CIDH et ONU Droits de l'homme : le pouvoir législatif chilien doit respecter les normes des droits humains dans les questions de sécurité

3 juin 2024

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Washington, D.C./ Santiago – La Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) et le Bureau pour l'Amérique du Sud du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (ONU Droits de l'homme) ont appelé le corps législatif chilien à respecter les normes internationales en matière de droits humains dans le domaine de la sécurité. Les deux entités partagent leurs préoccupations quant à des initiatives du Parlement chilien qui pourraient réduire l'obligation de rendre compte et favoriser l'impunité des responsables de l'application des lois.

Le 3 mai 2024, la Chambre des députés a adopté le projet de loi n° 15.805-07 sur l'usage de la force pour le personnel des forces de l'ordre et de la sécurité publique et des forces armées, dans le cadre de la première procédure législative, et l'a transmis au Sénat pour discussion.

La Commission souligne que les États ont l'obligation de garantir la sécurité publique et apprécie que le projet de loi intègre les principes de légalité, de nécessité, de responsabilité, de rationalité et l'obligation de rendre compte. Cependant, dans le cadre du processus en cours, qui est encore ouvert à d'autres amendements, il est préoccupant que le principe de proportionnalité (selon lequel le niveau de force utilisé doit être strictement lié à la gravité de la menace ou du crime et à l'objectif légitime d'ordre public ou de maintien de l'ordre poursuivi) ait été supprimé, et qu'une disposition (article 15) établissant de nouvelles présomptions pour exonérer la responsabilité pénale des personnes chargées de l'application de la loi ait été incluse.

« Le recours à la force par les agents de l'État doit s'opérer dans le strict respect des normes internationales en matière de droits humains et de l'obligation de rendre compte au niveau individuel et institutionnel, y compris aux plus hauts niveaux. Le non-respect de ces principes entraîne la répétition chronique des violations des droits humains et prive les victimes et leurs familles de leur droit à un recours effectif pour les violations commises par les agents de l'État », a déclaré José Luis Caballero, Commissaire de la CIDH.

La jurisprudence de la Cour interaméricaine a souligné que l'obligation des États d'adapter leur législation interne établie à l'article 2 de la Convention américaine relative aux droits de l'homme, auquel le Chili est partie, intègre les principes de légalité, de proportionnalité, de nécessité, d'exceptionnalité et l'obligation de rendre compte, ainsi que les critères d'un usage différencié et progressif de la force.

« L'absence du principe de proportionnalité pourrait représenter un important recul pour les droits humains au Chili », a convenu le responsable d'ONU Droits de l'homme en Amérique du Sud, Jan Jarab. « Il est démontré au niveau international que la réduction de l'obligation de rendre compte n'est pas un moyen efficace de lutter contre la criminalité et les regrettables actes de violence commis à l'encontre des forces de l'ordre. Une véritable protection et un renforcement du maintien de l'ordre doivent inclure un investissement plus important dans le renseignement policier, des incitations améliorées et des niveaux élevés de formation (par exemple en matière de droits humains), ainsi que de meilleures conditions de travail pour les agents, y compris l'accès à la santé mentale », a-t-il ajouté*.

Dans ce contexte, bien que cela ne fasse pas partie du texte du projet de loi sur l'usage de la force, le pouvoir législatif chilien a également débattu de l'extension des compétences du système de justice militaire pour entendre les affaires impliquant les carabiniers et les forces armées dans la protection des infrastructures critiques pendant les états d'urgence, la protection des zones frontalières et les événements électoraux ou de plébiscite.

À cet égard, la CIDH et l'ONU Droits de l'homme rappellent que les normes internationales sont sans équivoque sur le fait que la justice militaire doit être limitée aux crimes commis par le personnel militaire en service actif, de sorte qu'en aucun cas un civil ne doit être soumis à la juridiction des tribunaux militaires. Par conséquent, l'État doit adopter les mesures nécessaires pour que la justice ordinaire soit la juridiction compétente pour enquêter et, le cas échéant, juger et punir les auteurs de violations des droits humains. Par ailleurs, la Cour interaméricaine a souligné l'extrême prudence dont les États doivent faire preuve lorsqu'ils utilisent les forces armées pour contrôler des situations de désordre public ou de criminalité de droit commun.

Par le biais du Mécanisme conjoint de suivi des recommandations du Rapport sur la situation des droits de l'homme au Chili (MESECH), la CIDH note que l'État a adopté des mesures pour s'occuper des victimes de l'usage excessif de la force dans le contexte des manifestations de 2019, ainsi qu'un nouveau Plan national de sécurité publique avec des perspectives soucieuses du genre et de la territorialité. L'ONU Droits de l'homme accompagne également les mesures adoptées par le Chili dans le domaine de la sécurité des citoyens, à la lumière du rapport de sa mission dans le pays en 2019. À cet égard, les deux entités ont exhorté l'État chilien à intégrer une approche fondée sur les droits humains dans ses politiques de sécurité citoyenne, ainsi qu'à poursuivre le processus de réforme policière en cours.

La CIDH est un organe principal et autonome de l'Organisation des États Américains (OEA) dont le mandat émane de la Charte de l'OEA et de la Convention américaine relative aux droits de l'homme. La Commission interaméricaine a pour mandat de promouvoir le respect et la défense des droits de l'homme et de servir, dans ce domaine, d'organe consultatif de l'OEA. La CIDH est composée de sept membres indépendants, élus à titre personnel par l'Assemblée générale de l'OEA et qui ne représentent pas leurs pays d'origine ou de résidence.

L'ONU Droits de l'homme, conformément au mandat conféré par l'Assemblée générale dans sa Résolution 48/141, promeut et protège la jouissance et la pleine réalisation, pour toutes les personnes, de tous les droits inscrits dans la Charte des Nations Unies et dans le droit et les traités internationaux relatifs aux droits humains.

*Consultez le rapport de l'ONU Droits de l'homme sur le projet de loi n°15.805-07

No. 124/24

3:40 PM