CIDH et RELE : la Bolivie doit respecter les normes interaméricaines lors des manifestations

2 février 2024

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Washington, D.C. - Dans le contexte des manifestations qui ont débuté le 22 janvier en Bolivie, la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) et le Bureau du Rapporteur Spécial pour la liberté d'expression (RELE) rappellent à l'État son devoir de respecter les normes interaméricaines en matière de liberté d'association, de réunion pacifique et d'expression, ainsi que de prendre des mesures efficaces pour favoriser le dialogue et réduire la polarisation politique dans le pays.

Suite à la décision de la Cour constitutionnelle plurinationale (TCP), qui a prorogé leurs mandats, et celles d'autres autorités judiciaires, différents groupes de la société ont organisé des manifestations publiques pour exiger des élections judiciaires conformément à la constitution. Il convient de noter que les élections judiciaires auraient dû être convoquées par l'Assemblée législative plurinationale (ALP) en 2023, une omission qui a eu un impact inquiétant sur l'indépendance du pouvoir judiciaire et suscité le mécontentement de la société.

Les manifestations, qui ont lieu dans différentes parties du pays, se déroulent dans une atmosphère de forte polarisation politique à la suite d'une récente décision du PCT qui a conclu que la constitution bolivienne ne permettait pas la réélection indéfinie du président.

Ces formes de protestation comprennent des barrages routiers dans plusieurs régions du pays, avec une concentration particulière dans les départements de Cochabamba, Potosí et Santa Cruz. Dans ce contexte, la police nationale a dispersé certains sites de blocage en utilisant des gaz à au moins une occasion. À d'autres endroits, des affrontements ont eu lieu entre civils et policiers, faisant au moins 32 blessés parmi les policiers. À Potosí, le 27 janvier, trois policiers ont été blessés et au moins neuf personnes ont été arrêtées. D'autre part, deux personnes sont décédées, a priori à cause des barrages. En outre, l'État a annoncé que des enquêtes pourraient être ouvertes contre les organisateurs des manifestations.

La CIDH a enregistré l'annonce de l'État de garantir des itinéraires alternatifs, des vols de solidarité et des ambulances avec des rations sèches pour les personnes bloquées sur les lieux des manifestations. De son côté, le Défenseur du peuple a exhorté les manifestants à permettre le transit des personnes affectées par les barrages.

La CIDH et le RELE rappellent que la manifestation sociale est un élément essentiel pour l'existence et la consolidation des sociétés démocratiques et qu'elle comprend l'exercice de la liberté d'expression, de réunion pacifique et d'association. Les restrictions à ce droit ne peuvent dépendre du contenu, des modalités de la réunion pacifique ou de l'opinion officielle sur sa légitimité.

Toute restriction à ce droit doit rigoureusement satisfaire aux exigences de légalité, de nécessité et de proportionnalité. En ce sens, l'État doit adopter des mesures pour protéger ceux qui exercent leur droit de manifester et pour garantir les droits à la vie, à l'intégrité, à la santé et les conditions d'approvisionnement de l'ensemble de la population. Lorsque l'éventuelle perturbation de la vie quotidienne lors des manifestations se prolonge dans le temps et atteint le point de compromettre sérieusement le respect d'autres droits, tels que (i) le droit à la vie, (ii) l'approvisionnement en aliments ou (iii) le droit à la santé, le devoir de l'État de faciliter tous les mécanismes possibles de dialogue et de coexistence de tous les droits en tension est accentué, l'utilisation de la force n'étant qu'un dernier recours.

Dans ce contexte, la CIDH demande instamment aux autorités de s'abstenir de publier des déclarations qui stigmatisent la manifestation ou ceux qui y participent. La stigmatisation officielle de la manifestation entrave le dialogue et peut exacerber la violence à l'encontre de certains secteurs de la population. Les responsables publics doivent se distancer de tout discours qui envoie des messages indulgents envers la violence, y compris ceux qui activent, encouragent, accentuent ou exacerbent des situations de discrimination, d'hostilité, d'intolérance ou d'animosité.

La CIDH a constaté des tensions sociales historiques en Bolivie qui ont entraîné une polarisation politique et des actes de violence, en particulier en période de conflit social. Dans ce cadre, il incombe à l'État, par l'intermédiaire de toutes ses institutions démocratiques, de stimuler un processus de dialogue ample, constructif et diversifié, afin de prévenir les actes de discrimination et de créer des espaces de consensus, essentiels à la construction d'un sens du destin commun dans la diversité.

La polarisation s'ajoute aux faiblesses institutionnelles et aux défis structurels du système judiciaire qui doivent être traités en priorité par l'État, qui est tenu de garantir l'indépendance des organes et le bon fonctionnement du système judiciaire. À cet égard, les efforts de la vice-présidence, en tant que présidente de l'ALP, pour appeler les forces politiques à canaliser dans le débat parlementaire les questions liées aux événements qui ont motivé les manifestations, en particulier les élections judiciaires, sont salués.

À ce titre, la CIDH réitère son appel à l'État, en particulier à l'ALP, pour qu'elle convoque et garantisse les élections judiciaires, conformément à son mandat. Dans cette mission, elle doit tenir compte du fait que les processus de nomination et de sélection des juges sont d'une importance fondamentale pour garantir l'indépendance, l'impartialité et l'efficacité des organes judiciaires. Les procédures doivent respecter des exigences de base telles que la diffusion préalable des annonces, des délais et des procédures ; la garantie d'un accès égal et inclusif pour tous les personnes candidates ; la qualification basée sur le mérite et les compétences professionnelles ; ainsi que la participation de la société civile pour un contrôle social efficace, entre autres aspects.

Le Bureau du Rapporteur Spécial pour la liberté d'expression est un bureau créé par la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) afin de promouvoir la défense du droit à la liberté de pensée et d'expression à l'échelle de l'hémisphère, compte tenu de son rôle fondamental dans la consolidation et le développement du système démocratique.

La CIDH est un organe principal et autonome de l'Organisation des États Américains (OEA) dont le mandat émane de la Charte de l'OEA et de la Convention américaine relative aux droits de l'homme. La Commission interaméricaine a pour mandat de promouvoir le respect et la défense des droits de l'homme et de servir, dans ce domaine, d'organe consultatif de l'OEA. La CIDH est composée de sept membres indépendants, élus à titre personnel par l'Assemblée générale de l'OEA et qui ne représentent pas leurs pays d'origine ou de résidence.

No. 027/24

11:20 AM