CIDH et RELE : Dans le contexte des manifestations sociales en Argentine, rappellent les normes interaméricaines en matière de respect des droits de l'homme, en particulier le respect du droit de manifester pacifiquement et du travail des journalistes

8 février 2024

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Washington, D.C. - La Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) et le Bureau du Rapporteur Spécial pour la liberté d'expression (RELE) expriment leur profonde préoccupation concernant les allégations reçues d'organisations de la société civile qui ont rapporté un usage disproportionné de la force publique contre des manifestants et des journalistes en Argentine ; et demandent instamment à l'État de respecter le droit à la liberté d'expression, de réunion pacifique et du travail journalistique, et de garantir la sécurité.

Pour rappel, entre le 31 janvier et le 2 février, dans le cadre des manifestations sociales contre le projet de « Loi omnibus », qui se sont déroulées à proximité du Congrès national, les autorités ont signalé qu'au moins 31 personnes avaient été arrêtées. Dans le même temps, le Comité national pour la prévention de la torture, ainsi que des organisations de la société civile, ont recensé environ 285 personnes blessées à la suite des actions des forces de l'ordre et des affrontements avec les manifestants. En outre, selon les syndicats des travailleurs de la presse, environ 35 professionnels de la presse et de la communication ont été blessés, y compris par des balles en caoutchouc et des brûlures dues aux gaz lacrymogènes.

Selon le gouvernement, au moins sept agents des forces de l'ordre ont été blessés au cours des affrontements.

Ces dernières semaines, il a également été fait état de déclarations stigmatisantes de la part de hautes autorités, discréditant et dénigrant le travail des femmes journalistes, ainsi que celui des personnes qui manifestent, des membres du congrès et des opposants.

À cet égard, la CIDH rappelle que les protestations et les manifestations pacifiques sont un élément essentiel des sociétés démocratiques et que l'État doit respecter, protéger, faciliter et garantir le droit à la liberté d'expression et de réunion pacifique. Dans les contextes de manifestations, l'utilisation de la force est un dernier recours exceptionnel, qui doit être limité aux circonstances dans lesquelles la légalité, l'absolue nécessité et la proportionnalité de l'utilisation de la force sont accréditées. Les actions des forces civiles et policières visant à garantir la sécurité des personnes et l'ordre public doivent être guidées par le strict respect des droits de l'homme et des normes interaméricaines, conformément aux protocoles existants à cet effet.

Face à des scénarios complexes dans lesquels des actes de violence sont recensés, les autorités ne doivent pas agir sans discernement, mais identifier les acteurs violents et les distinguer de ceux qui exercent le droit légitime de manifester pacifiquement.

Le travail de la presse est un élément fondamental pour le maintien des libertés sur lesquelles repose le système démocratique. Dans le contexte des manifestations et des situations de fort conflit social, le travail des journalistes et des communicateurs contribue à tenir la population informée des événements d'intérêt et du rôle des forces de sécurité. Ce travail d'information a pour effet de prévenir l'usage disproportionné de la force et l'abus d'autorité, ainsi que tout autre acte de violence.

Lorsque l'intégrité physique des journalistes qui traitent des manifestations est affectée, l'aspect individuel de la liberté d'expression est violé, car ils sont empêchés d'exercer leur droit de rechercher et de diffuser des informations, et ils sont sciemment effrayés, de même que son aspect collectif, car la société est privée du droit de connaître les informations que les journalistes obtiennent. C'est pourquoi il est du devoir de l'État de leur accorder le maximum de garanties pour qu'ils puissent exercer leur travail, ainsi que d'enquêter sur tout type de violence contre leur intégrité personnelle, qu'elle soit le fait d'agents publics ou de particuliers. De plus, dans l'application des protocoles d'action, l'instruction aux forces de sécurité sur le respect des médias devrait être prise en compte.

La CIDH et le RELE rappellent qu'en tant que garants des droits fondamentaux des personnes, les autorités publiques de tout État doivent s'abstenir de faire des déclarations stigmatisantes qui exposent les journalistes et les travailleurs des médias à un risque accru d'actes de violence, augmentant ainsi le contexte d'hostilité et d'intolérance à l'égard de leur travail.

Pour toutes ces raisons, la Commission interaméricaine et le Bureau du Rapporteur Spécial demandent à l'Etat argentin de garantir la sécurité de toutes les personnes, en particulier des manifestants, des journalistes et des travailleurs de la presse, en s'assurant que ceux qui souhaitent manifester pacifiquement puissent le faire et que les journalistes puissent faire leur travail sans craindre des représailles ou des violences de la part des autorités ou de particuliers. Ils demandent également à l'État d'enquêter sur les allégations de recours disproportionné à la force publique et de sanctionner les agents de sécurité responsables le cas échéant, ainsi que d'enquêter sur toute situation de violence imputable à des particuliers.

Le Bureau du Rapporteur Spécial pour la liberté d'expression est un bureau créé par la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) afin de promouvoir la défense du droit à la liberté de pensée et d'expression à l'échelle de l'hémisphère, compte tenu de son rôle fondamental dans la consolidation et le développement du système démocratique.

La CIDH est un organe principal et autonome de l'Organisation des États Américains (OEA) dont le mandat émane de la Charte de l'OEA et de la Convention américaine relative aux droits de l'homme. La Commission interaméricaine a pour mandat de promouvoir le respect et la défense des droits de l'homme et de servir, dans ce domaine, d'organe consultatif de l'OEA. La CIDH est composée de sept membres indépendants, élus à titre personnel par l'Assemblée générale de l'OEA et qui ne représentent pas leurs pays d'origine ou de résidence.

No. 030/24

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