La CIDH préoccupée par l’escalade de la violence et la crise humanitaire en Haïti

17 avril 2025

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Washington, D.C. – La Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) exprime sa profonde préoccupation face à l’escalade de la violence et à la détérioration de la situation humanitaire en Haïti, en particulier dans la capitale, Port-au-Prince. La Commission condamne la récente série d'attaques menées par les gangs, qui ont entraîné d'importantes pertes humaines, des déplacements massifs de population et de graves violations des droits humains.

Selon des rapports des Nations Unies, entre janvier et mars, plus de 260 personnes ont été tuées et 66 blessées lors d’attaques perpétrées par des gangs dans les quartiers de Kenscoff et Carrefour, à Port-au-Prince. Ces agressions ont provoqué le déplacement de plus de 3000 habitants et la destruction d’environ 190 maisons. En avril, des gangs ont attaqué une prison dans la ville de Mirebalais, libérant plus de 500 détenus tandis que des centaines de résidents fuyaient leurs foyers. Cela s’ajoute aux 5600 personnes tuées en 2024 du fait de la violence des gangs, selon des chiffres publiés par les Nations Unies dans différents rapports. La Commission est particulièrement alarmée par les témoignages de violations graves des droits humains, notamment la violence sexuelle généralisée à l’encontre des femmes et des filles, perpétrée par des groupes armés.

Le 2 avril 2025, des milliers d’Haïtiens sont descendus dans la rue pour dénoncer la violence croissante des gangs et exiger une action gouvernementale efficace. Les manifestations, initialement pacifiques, ont dégénéré en affrontements violents impliquant des coups de feu à proximité des bâtiments gouvernementaux, traduisant la frustration de la population face à l’inaction apparente des autorités. En réponse à cette crise, le président du Conseil présidentiel de transition d’Haïti a annoncé le déploiement d’agents de la Brigade de sécurité des aires protégées (BSAP) pour appuyer la police. Toutefois, des organisations de la société civile ont exprimé des doutes quant à l’efficacité de ces mesures, en soulignant les risques d’abus des droits humains et la nécessité d’une réforme globale du secteur de la sécurité.

La Commission s’inquiète également des rapports signalant que les faiblesses du contrôle des frontières facilitent l’entrée d’armes à feu en Haïti, renforçant la capacité des gangs à commettre des actes violents. Les Nations Unies ont souligné que les forces douanières et policières, sous-financées et en sous-effectif, sont mal équipées pour contrôler les flux d’armes dans le pays.

Face à l’ampleur de la crise actuelle, l’État a la responsabilité première de mettre en œuvre des mesures de sécurité efficaces pour rétablir l’ordre public, faciliter la libre circulation des personnes et des biens et protéger la population contre la violence des gangs. Il est essentiel que toute opération de sécurité menée dans ce contexte respecte strictement les normes internationales relatives aux droits humains, en évitant tout usage excessif de la force ou tout abus. L’État doit également renforcer ses capacités institutionnelles pour prévenir le trafic illicite d’armes et d'autres biens de contrebande, afin d’interrompre le flux d’armements qui alimentent la violence des gangs.

Compte tenu du caractère transfrontalier du trafic illicite d’armes, la Commission souligne également l’importance d’établir des mécanismes de coopération internationale pour l’échange d’informations pertinentes sur les transferts d’armes et la prévention des activités criminelles connexes. À cet égard, la Convention interaméricaine contre la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu (CIFTA) réaffirme l’obligation des États américains de coopérer à l’échelle bilatérale, régionale et internationale afin de prévenir, combattre et éradiquer la fabrication et le trafic illicites d’armes à feu, de munitions, d’explosifs et de matériaux connexes.

Finalement, compte tenu des dimensions humanitaires et transnationales de la crise, la CIDH appelle les États membres de l’OEA à s’engager pleinement dans une aide concrète et robuste à Haïti, en soutenant la Mission multinationale d’appui à la sécurité des Nations Unies, en fournissant une coopération directe, en mobilisant des ressources humaines, matérielles et financières et en livrant une aide humanitaire en temps voulu aux personnes touchées. En parallèle, la CIDH souligne que la résolution de la crise en Haïti exige un dialogue inclusif et participatif. L’État doit créer des espaces de dialogue significatif avec les partis politiques, la société civile, les leaders communautaires et les autres acteurs concernés, dans le but d’élaborer des réponses globales et durables aux causes structurelles de la violence et de la fragilité institutionnelle.

La CIDH est un organe principal et autonome de l'Organisation des États Américains (OEA) dont le mandat émane de la Charte de l'OEA et de la Convention américaine relative aux droits de l'homme. La Commission interaméricaine a pour mandat de promouvoir le respect et la défense des droits de l'homme et de servir, dans ce domaine, d'organe consultatif de l'OEA. La CIDH est composée de sept membres indépendants, élus à titre personnel par l'Assemblée générale de l'OEA et qui ne représentent pas leurs pays d'origine ou de résidence.

No. 075/25

9:28 AM