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Communiqué de presse


VERS UNE OEA DU 21ème SIÈCLE

Allocution de Luis Almagro Lemes, Secrétaire général de l’OEA, à l’occasion de son installation

**** Vérifier avec texte prononcé****

  26 mai 2015

Une région des Américains et pour tous les Américains

En 2020, au terme de mon mandat, l’OEA devrait être reconnue comme étant le forum politique du continent qui, grâce à la participation de tous les pays des Amériques sur un pied d’égalité, œuvre, dans un climat de paix, pour le renforcement de la démocratie, la promotion et la protection des droits de la personne, la défense du développement intégré et de la sécurité multidimensionnelle, et ce, dans le but de soutenir une prospérité offrant des perspectives de progrès pour tous.

Notre mot d’ordre sera “Plus de droits pour plus de monde dans les Amériques”

Nul ne sera surpris de m’entendre répéter que mes actions en tant que Secrétaire général de l’OEA à partir d’aujourd’hui seront guidées par une série de principes qui serviront de feuille de route pour les cinq années à venir.
● Promotion et protection des droits de la personne
● Promotion et défense de la démocratie et de la Charte démocratique interaméricaine
● Coopération et solidarité continentale et internationale pour un développement intégré et durable sur le plan environnemental
● Promotion d’initiatives continentales et de coopération avec les pays pour assurer la sécurité citoyenne et multidimensionnelle
● Règlement pacifique des différends
● Promotion et défense du principe d’autodétermination des peuples et de non-ingérence dans les affaires relevant de la juridiction interne d’autres États
● Promotion de l’intégration et de la coordination entre groupes régionaux

Lors de ces cinq années, il sera nécessaire de concrétiser le processus de transformation de l’OEA pour l’adapter aux réalités du 21ème siècle, ce qui implique d’insérer l’Organisation dans un monde différent de celui qui l’a vue naître, croître et opérer.

Le monde d’aujourd’hui est manifestement multipolaire, avec une nette montée en puissance des pays émergents, indépendamment des conjonctures qui peuvent être défavorables, comme cela est le cas actuellement. D’ici la fin de cette administration, la population urbaine, à travers le monde mais surtout en Asie, continuera d’augmenter et les classes moyennes des pays émergents deviendront le nouveau moteur de l’économie mondiale. Cette urbanisation croissante continuera d’exercer une pression sur la demande en denrées alimentaires, ce qui entraînera de nouveaux défis, notamment en matière environnementale.

Alors que nous sommes dans un monde de réseaux toujours plus interconnectés, dont l’utilisation n’est pas sans effets, nous pouvons les mettre à profit pour poursuivre des objectifs nobles, tels que ceux que visent l’OEA et les organes multilatéraux, ou pour générer de la destruction et de la barbarie. Ce qui est certain, c’est que nous ne pourrons pas ignorer ces réseaux car ils sont emblématiques du monde d’aujourd’hui et de demain.

Nous vivons également dans un monde d’incertitudes, où le pouvoir s’exprime de façons de plus en plus variées et toujours moins traditionnelles, dans lequel nous devons poursuivre un programme positif pour placer l’OEA à la hauteur des circonstances et éviter que le continent ne retombe dans des pratiques de guerre froide, que nous devons combattre par tous les moyens possibles. Pour ce faire, nous devons renforcer les capacités de négociation, de médiation et de quête de consensus au sein de cette OEA en tant qu’organisation qui rassemble tous les pays du continent.

En matière de développement, le continent compte plus d’un milliard de personnes. Autrement dit, à travers le monde, une personne sur sept est américaine. Les Amériques produisent plus d’un quart du PIB mondial. Nos ressources et notre potentiel sont incommensurables.

Au cours des dix dernières années, les pays du continent et principalement d’Amérique du Sud ont affiché une croissance économique solide, leurs économies grandissant à un rythme annuel dépassant 4 %. Cela a été le résultat de termes d’échange plus favorables, surtout pour les matières premières les plus compétitives, et d’une croissance de la consommation interne. Cette tendance, conjuguée à des politiques sociales ouvertes à tous, ont permis à plus de 80 millions de Latino-américains de sortir de la pauvreté, avec une classe moyenne qui connait une expansion sans précédent.

Cependant, beaucoup reste à accomplir ; les inégalités persistent et la conjoncture actuelle, caractérisée par une réduction du dynamisme à l’échelle mondiale et une baisse des prix des produits qu’une grande partie des pays du continent exportent, de pair avec une diminution de la demande provenant de pays clés tels que la Chine et un rebond timide de la demande émanant du G8, a résulté en un taux de croissance – ces derniers mois et en perspective – largement inférieur aux moyennes de la décennie passée.

La question de l’inégalité et de la création d’opportunités pour tous les citoyens indépendamment de leur race, genre, lieu de naissance, condition sociale ou orientation sexuelle est une préoccupation qui demeure présente dans l’ensemble des pays du continent, du Canada à la Patagonie.

Jour après jour, des milliers d’Américains émigrent en quête d’un avenir meilleur, se retrouvant, avec leur famille, dans une situation de grande vulnérabilité. Leurs droits doivent être protégés.

C’est pour ces raisons que mon administration fera du slogan “PLUS DE DROITS POUR PLUS DE MONDE” sa raison d’être, car le continent en a assez de l’exclusion, de la limitation des droits politiques, économiques ou sociaux à certaines personnes seulement. Le continent en a assez du racisme, de la persécution, des préjugés et des différends stériles.

Notre continent est caractérisé par la paix et vit dans la démocratie, à des degrés variables certes. Quoi qu’il en soit, j’insiste sur la nécessité que, dans tous les pays qui connaîtront des processus électoraux, les élections soient ouvertes à tous, transparentes et organisées dans les délais constitutionnellement prévus.

En ce qui concerne la gouvernance démocratique, l’OEA doit tendre une main vers les pays qui traversent des moments de tension et d’antagonisme dépassant parfois les niveaux de civilité auxquels la démocratie régionale doit aspirer.

Comme la gouvernance démocratique va au-delà des élections, une des initiatives centrales que mon administration compte mettre en œuvre consiste en la création d’une école d’administration publique pour les fonctionnaires et les membres de la société civile du continent, qui servira d’outil pour le renforcement des pratiques de transparence institutionnelle, la quête de consensus afin d’aborder des réformes et l’obligation de rendre des comptes aux citoyens.

L’intégrité, l’éthique et la dignité républicaine ne sont pas des valeurs idéologiques mais des valeurs essentielles de la démocratie, dont la pratique redonne de l’espoir aux nouvelles générations, alors que la collusion entre politique et argent dans la sphère publique ne fait que les éloigner de l’action politique et de la participation dans les décisions qui déterminent leur avenir.

C’est pour ces raisons également que nous mettrons l’accent sur la collaboration avec les différents pays en matière de transparence et de lutte contre la corruption, en offrant le soutien de l’OEA en matière de formation, d’accès à de meilleures pratiques de transparence et de responsabilisation.

Ces valeurs font partie d’un programme d’action qui s’exprime également sur les plans régional et international et dont l’ancien président José Mujica constitue un exemple clair.

José Mujica disait, lors de l’une de ses dernières participations dans un forum international : “La véritable innovation politique est de vivre comme on pense, à défaut de quoi on court le risque de finir par penser comme on vit.» Ce sont des paroles simples mais d’une grande sagesse à la lumière de la situation actuelle à travers le continent.

Mesdames et messieurs,

Le Sommet des Amériques, tenu à Panama le mois dernier, marque un tournant dans notre continent. L’inclusion de Cuba et la reprise des relations bilatérales avec les États-Unis génèrent une détente qui a des effets bénéfiques pour l’ensemble du continent.

Nous travaillerons à ce que Cuba puisse réintégrer pleinement l’OEA, en tenant naturellement compte de la nécessité de respecter des délais et procédures sur lesquels nous n’exerçons aucun contrôle.

Les échanges et le dialogue qui ont eu lieu durant le Sommet ont généré des objectifs et préoccupations communs, lesquels s’alignent sur plusieurs des initiatives proposées lors des derniers mois et qui seront au cœur de notre action :

Sécurité citoyenne. Il s’agit d’une question qui figure parmi les deux ou trois préoccupations les plus importantes pour tous les pays du continent. En plus des initiatives multilatérales, nous travaillerons à une initiative continentale permettant d’aborder la question de manière intégrale.
École d’administration publique, que j’ai déjà mentionnée
• Prévention des conflits sociaux. Nous faciliterons le dialogue entre investisseurs de la région et du reste du monde et États et communautés, dans les secteurs de production clé qui produisent de la richesse mais aussi des conflits lors de la répartition de celle-ci.
Prévention et gestion des catastrophes naturelles dans les Caraïbes et en Amérique central. Nous constituerons un réseau de pratiques optimales avec le système des Nations Unies et les organismes multilatéraux.
Interconnectivité dans les Caraïbes. Il s’agit d’une initiative visant à combler le fossé en matière de connectivité numérique, mais également fluviale et aérienne, en attirant des investisseurs dans la région des Caraïbes afin de promouvoir le progrès et les débouchés d’emploi pour les jeunes.
Système éducatif panaméricain. Il s’agit d’une initiative visant à se baser sur les réalisations en matière d’accès à l’éducation pour améliorer l’impact des résultats au niveau supérieur.

Chères amies, chers amis,

Voici ce que j’ai dit il y a deux mois, dans cette même enceinte, lorsque j’ai été élu Secrétaire général par la volonté des États membres :

“Je ne souhaite pas être l’administrateur de la crise de l’OEA, mais le facilitateur de son renouveau.”

Après une période de transition, durant laquelle nous avons commencé à percevoir l’ampleur des défis à relever, je le réaffirme une fois de plus très clairement.

Nous avons en premier lieu constaté qu’il existe des domaines où il est possible de parvenir à un meilleur alignement et à réaliser des économies. Citons quelques exemples :

• L’organisation actuelle de l’OEA n’est pas alignée sur la vision stratégique.
• Il existe clairement des possibilités de mieux faire correspondre les services que peut offrir l’Organisation à ceux demandés par les pays.
• Il est essentiel d’améliorer la communication et la cohésion entre les trois parties vitales de l’OEA, à savoir son personnel, ses propriétaires, soit les gouvernements et organes qui la représentent et le Secrétariat général, afin que les actions de l’organisation bénéficient du soutien de tous.
• L’équipe de transition a organisé des réunions avec toutes les parties concernées, alors qu’un dialogue s’instaurait entre le personnel de l’OEA, sous la houlette de cette équipe et l’Association du personnel. Les résultats serviront sans nul doute à orienter notre action. Je remercie tous ceux qui ont participé à ce processus. Un forum ouvert sera organisé prochainement avec l’ensemble du personnel.
• En ce qui concerne la gestion de l’Organisation sur le plan financier et administratif, nous réorienterons les processus vers une gestion axée sur les résultats afin d’assurer l’alignement sur la vision stratégique.
• Il existe également des possibilités évidentes d’améliorer la communication entre les différentes parties du système interaméricain et d’autres organismes d’intégration régionale surgis de la région au cours des dix dernières années.
• Un potentiel important pourrait être exploité si les différentes parties prenantes, qu’il s’agisse de l’OEA, du système interaméricain ou de ses partenaires, parvenaient à travailler en coordination.
• Il reste également beaucoup à accomplir dans le domaine de la société civile, des réseaux sociaux et de la communication pour rapprocher l’OEA de la population des Amériques. Nous voulons une OEA proche des gens.

Nous avons passé en revue les défis auxquels le continent est confronté et la façon dont nous comptons adapter l’Organisation sur le plan interne pour qu’elle puisse les relever avec efficience.

Nous aurons l’occasion d’aborder toutes ces questions en plus de détail lors de la session de l’Assemblée générale du mois de juin.

POUR CONCLURE, DANS CE CONTEXTE DE CHANGEMENTS AU SEIN DE L’OEA, J’AIMERAIS LANCER UN APPEL À TOUS LES GOUVERNEMENTS, A LEURS REPRÉSENTANTS AU CONSEIL PERMANENT, AU PERSONNEL DE L’OEA, A TOUTES LES PARTIES DU SYSTÈME INTERAMÉRICAIN ET AUX PARTENAIRES DE L’OEA POUR LEUR DEMANDER DE TRAVAILLER AVEC LE SECRÉTARIAT GÉNÉRAL, DÈS MAINTENANT, AFIN D’ALIGNER LES ACTIVITÉS DE L’ORGANISATION SUR UNE VISION DE L’OEA TOUJOURS PLUS PROCHE DE LA POPULATION, PLUS EFFICACE, MOINS BUREAUCRATIQUE ET QUI CONTRIBUE AU RÈGLEMENT DES PROBLÈMES DE NOTRE CONTINENT ET DE SES HABITANTS.

ENSEMBLE, DANS LA DIVERSITÉ, LE RESPECT, LA TOLÉRANCE ET LE DIALOGUE, NOUS POURRONS GARANTIR PLUS DE DROITS À PLUS D’AMÉRICAINS.

Référence : F-010/15