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Discours

CÉSAR GAVIRIA TRUJILLO, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L'ORGANISATION DES ÉTATS AMÉRICAINS
À L’OCCASION DE L’OUVERTURE DE DE LA TRENTE-QUATRIÈME SESSION ORDINAIRE DE L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DE L’ORGANISATION DES ÉTATS AMÉRICAINS

6 juin 2004 - Quito, Équateur


Monsieur le Président,

Des citoyens américains de partout sont réunis ce soir à Quito pour poursuivre ce trajet d’intégration et de solidarité dans lequel nous nous sommes engagés. Nous adressons nos remerciements au Gouvernement et au peuple équatoriens pour leur généreux et chaleureux accueil. Sur ces territoires qui ont été libérées par Bolivar, Sucre, Córdova à Pichincha, nous nous sentons tous chez nous. Nos remerciements vont également au Ministre Patricio Zuquilanda et à l’Ambassadeur Marcelo Hervas pour leur précieux appui.

Président Gutiérrez, nous admirons tous, la fermeté des objectifs que vous vous êtes fixés pour maintenir la qualité des politiques qu’exige la stabilité de l’économie équatorienne. Nous savons aussi que la marge nécessaire pour résoudre quelques problèmes sociaux accumulés pendant des décennies est inférieure aux aspirations citoyennes. Souhaitons que les acteurs sur la scène politique en Équateur adoptent leurs décisions sans sacrifier la gouvernance du pays compromise tant de fois dans un passé récent.

À l’expiration de ma gestion en qualité de Secrétaire général de l’OEA, il nous incombe, même succinctement, de soumettre un rapport décrivant notre point de départ, les objectifs que nous nous étions fixés; les progrès que nous avons réalisés, fournir un peu de d’information sur le long chemin qui nous reste à parcourir, ainsi que sur l’orientation que nous voulons donner à nos relations et aux institutions continentales. Un rapport plus complet sur ces dix années sera remis aux délégations.

Lorsque nous essayons de faire une balance des événements qui se sont produits durant cette décennie, force nous est de reconnaître que les faits ont dépassé nos meilleures attentes. D’autre part, les problèmes et les enjeux qu’affrontent nos peuples se sont multipliés de manière exponentielle, notamment en raison de l’interdépendance croissante et de la mondialisation.
La révolution de l’informatique et des télécommunications a commencé à avoir des incidences profondes de nature politique, économique et sociale. L’interdépendance a transcendé les frontières, les classes sociales, les religions et les races. Ces éléments revêtent encore plus de force dans le Continent américain en raison de l’existence de liens culturels, historiques et géographiques communs.

Reprenons l’esprit originel dans lequel a été créée l’OEA, de sorte que nous puissions disposer d’une union fondée sur des principes. Abandonnons cette période d’isolement, de rivalités et de divergences. Nombre de contraintes qui, dans le passé ont immobilisé l’OEA, ont disparu. Mettons de côté cette politique qui consiste à invoquer les principes de notre Charte davantage pour nous diviser que pour nous unir; davantage pour donner libre cours à nos craintes que pour construire un idéal commun; davantage pour contenir l’unilatéralisme que pour créer une action collective.

Notre mandat a débuté au milieu d’indications stimulantes au sujet des possibilités d’un nouveau multilatéralisme au sein de l’OEA et de sa capacité à s’adapter à un monde en mutation à un rythme vertigineux. Notre tâche consistait à mettre en place les instruments, les mécanismes et les modalités que nous allions utiliser pour atteindre nos objectifs.

C’est pourquoi, lorsque le Président Clinton convoqua, de concert avec tous les gouvernements américains, le Premier Sommet des Amériques à Miami, sa conception fut que nous étions unis par des valeurs partagées, que nous avions une destinée commune et que nous étions prêts à mettre sur pied un agenda dynamique impulsé par une volonté politique sans précédents. C’est de là que prit naissance la «Nouvelle vision de l’OEA» qui bénéficia du vigoureux appui de l’Assemblée générale à Montrouis. L’OEA aurait alors une autre occasion dans le concert régional.

À Miami, à Santiago, à Québec et à Monterrey, un nombre croissant de nouveaux mandats a été confié à l’OEA, portant sur la démocratie, les droits de la personne, la gouvernance, l’appui à la ZLEA, l’éducation, l’équité, la lutte contre la pauvreté, l’inclusion sociale. Les réunions ministérielles sont devenues le mécanisme le plus efficace pour l’exécution des mandats émanés des Sommets. Nos dirigeants ont prescrit que soit élaborée la Charte démocratique et un rôle majeur a été attribué aux institutions du système.

L’OEA et la diplomatie régionale ont franchi des étapes gigantesques pour donner suite au principe consacré dans la Charte, à savoir, la volonté de régler les différends par des moyens pacifiques.

C’est dans cet esprit que l’on doit comprendre le succès que représentent pour les pays garants la déclaration de paix d’Itamaraty et l’Accord de paix entre le Pérou et l’Équateur; l’Accord entre l’Argentine et le Chili sur les Glaces terrestres (Hielos Continentales ou Campo Hielo) ainsi que l’accord souscrit pour obtenir le passage du Canal de Panama.

Mais; entre les années 1999 et 2000, une série de différends territoriaux en suspens ont refait surface. À l’OEA, nous avons rendu hommage à la décision prise par les gouvernements du Honduras et du Nicaragua de porter leur contentieux devant la Cour internationale de justice. Nous sommes satisfaits de la collaboration que nous avons pu offrir en vue de l’adoption de mesures de confiance qui ont permis de gérer les incidents dans la zone en litige. Nous avons également assumé notre responsabilité de prêter appui à l’Institut panaméricain de géographie et d’histoire pour ce qui est de la délimitation de la frontière terrestre entre le Honduras et El Salvador, telle que définie par une décision émise par la Cour internationale de justice.

Nous avons travaillé avec le Guatemala et Belize au sein d’un panel de conciliateurs en quête d’un accord équilibré et permanent en ce qui concerne le différend territorial. Nous avons bénéficié de la coopération du Honduras en qualité de tierce partie intéressée. Nous travaillons aujourd’hui avec les gouvernements à un régime de transition.

Les contributions de nos pays membres et pays observateurs se sont concrétisées à travers un Fonds pour la paix créé à l’initiative de l’Ambassadeur Luigi Einaudi qui s’est penché sur ces questions avec professionnalisme et dévouement.

À la demande des États, nous avons mené des enquêtes pour contribuer à ce processus de règlement des différends. C’est ainsi que nous avons mené une enquête sur le détournement d’armes nicaraguayennes vers des groupes paramilitaires colombiens ; nous avons mené une enquête pour établir les faits des 12 et 13 février 2003, lorsqu’il se produisit un affrontement entre l’armée et la police en Bolivie. Il est évident que le moment est arrivé pour les États d’envisager d’institutionnaliser la procédure du règlement de différends et de controverses à l’OEA. Dans notre rapport sur la décennie, nous avons un peu abordé ce sujet.

À l’occasion de chaque crise que nous avons dû affronter au long des dix dernières années, agissant avec promptitude et diligence, nous avons appris un peu plus pour défendre la démocratie.

Durant les années 90, la menace de coups d’État militaires a diminué et les dirigeants autoritaires posent maintenant le principal risque pour la démocratie. Peut-être le cas le plus marquant est celui du Pérou qui, depuis 1992, avait commencé à consolider un régime autoritaire qui minait la capacité des autres pouvoirs de l’État, éliminait les garde-fous essentiels dans les démocraties, alors que l’absence de contrôles favorisait alors la mise en place d’une dangereuse machine de corruption et d’abus d’autorité.

De l’expérience paraguayenne de 1996, lorsque que le gouvernement d’alors faisait face à une menace militaire, nous avons beaucoup appris de l’excellente coordination qui pu être établie entre les présidents et les ministres du MERCOSUR et les États-Unis. Les chefs militaires de ces pays jouèrent également leur rôle pour aider à dissuader les rebelles.

Un peu plus tard, le MERCOSUR allait jouer encore un rôle central lors de l’assassinat du vice-président Argaña. Le Président Cubas et d’autres dûrent abandonner le gouvernement pour se rendre en exile.

En Équateur, en 1997, nous avons appris comment les dirigeants ne peuvent pas perdre totalement contact avec les citoyens et comment il est indispensable de respecter la transparence et de rendre des comptes. Nous sommes tous obligés de défendre les principes démocratiques, mais les dirigeants doivent avoir un comportement digne de la fonction qu’ils occupent et ils doivent être sensibles aux préoccupations des citoyens.

Dans le second épisode qui s’est produit en Équateur, le Président Mahuad s’est démis de son poste au milieu de protestations sociales qui l’ont convaincu de ce que sa plus grande contribution à la paix sociale serait de se retirer de la présidence de l’État. Une vigoureuse réaction internationale sous l’égide de l’OEA fut indispensable pour éviter qu’une junte de facto n’assume le pouvoir et la succession fut ainsi assurée aux termes de la Constitution.

Haïti s’est révélé un cas trop difficile pour l’OEA. Après plusieurs années, nous ressentons un profond sentiment d’insatisfaction. Depuis le retour du Président Aristide en 1994, il n’y a jamais eu une vraie coexistence démocratique et la légitimité des gouvernements qui se sont succédés par volonté populaire n’a jamais été pleinement acceptée. La lutte contre le retard et la misère n’a pas non plus atteint le rythme que souhaitait la communauté internationale.

Nous avons déployé avec l’Ambassadeur Einaudi de grands efforts pour trouver un règlement à la grave crise politique découlant de la fraude qui a accompagné les élections parlementaires de mai 2000. En juillet 2001, nous sommes parvenus à trouver une formule pour constituer un Conseil électoral qui serait suffisamment représentatif de tous les secteurs. Quelques épisodes de violence pendant ce mois ont porté préjudice au processus.

Par la suite, compte tenu des graves épisodes de violence, nous avons eu à nouveau l’occasion de mettre sur pied une mission focalisée sur la démocratie, les droits de la personne, la sécurité et l’administration de la justice. Face à l’explosion de violence durant cette période, le Plan de la CARICOM ne put être appliqué tel que conçu, mais quelques éléments des formules qui y étaient contenues furent utilisés pour former le gouvernement de transition. Au milieu des désaccords au sujet de l’interprétation des événements qui s’étaient produits, nous nous sommes efforcés de mener notre action en coordination avec l’ONU et de veiller à la réalisation de notre mission fondamentale qui est d’appuyer le peuple haïtien.

Au Nicaragua, notre mission CIAV a contribué durant son long séjour à la démobilisation des contras et a ensuite joué un éminent rôle dans le développement d’une culture démocratique et des droits de la personne dans le cadre de la Commission de vérité.

Au Guatemala, suite aux accords de paix, nous avons mis sur pied un programme d’appui spécial aux activités après le conflit, domaine dans lequel l’OEA est en train d’acquérir une précieuse expérience.

En Colombie, nous travaillons actuellement au processus de vérification de la démobilisation de groupes paramilitaires et de leur réinsertion dans la vie civile.

Notre Unité pour la promotion de la démocratie a travaillé ardemment et avec succès à la recherche de ressources auprès des pays membres et des pays observateurs, en vue d’avancer sur la voie du renforcement des partis politiques et des parlements, du financement des campagnes, de la décentralisation et de la participation citoyenne.

Au nombre de toutes les activités que réalise cette Unité, sans doute, la plus importante est constituée par les Missions d’observation des élections qui ont apporté une contribution sensible et croissante à la consolidation et la défense de la démocratie dans le Continent américain.

Le cas du Pérou mérite tout particulièrement d’être souligné. Muni d’un mandat de l’Assemblée tenue à Windsor, en compagnie du ministre canadien d’alors et en consultation avec le gouvernement, les forces politiques et la société civile, nous avons œuvré en 2000 pour contribuer à ce que le Pérou rétablisse pleinement ses institutions démocratiques et son ordre constitutionnel.

Pour ce qui est de notre mission d’observation en vue de l’étape dite de vérification de signatures au Venezuela, jeudi dernier, les résultats préliminaires ont été annoncés pour la convocation de référendums de rappel de mandats de députés et de Président de la République. Par conséquent, une étape fondamentale a été franchie en application des accords de mai 2003, facilités par l’OEA, le Centre Carter et le PNUD. Cet état de chose a créé dans le pays un climat politiquement moins conflictuel. Je tiens à féliciter le peuple vénézuélien pour sa démonstration de civisme et de maturité démocratique.

Des hommages doivent être rendus au Gouvernement du Président Chavez qui, au milieu de la polarisation que connaît le pays, a su maintenir sur les rails le processus qui a abouti à l’application de l’article 72 de la Constitution. La façon dont le Président a accepté le résultat signifie que le pays va vivre une période d’intense concurrence démocratique et de respect de l’Etat de droit. Mes remerciements à la Coordinadora Demócratica pour son appui et sa confiance.


Le Conseil national électoral a agi avec diligence, transparence et efficacité à cette phase. Il est indispensable de souligner également que tout au long de ce processus, nous avons eu une expérience extraordinaire de coopération avec le Centre Carter. J’adresse également mes remerciements au Groupe d’amis pour ses lumières et son appui permanent, ainsi que le chef de la Mission Fernando Jaramillo, pour le bon travail accompli.

La proposition d’élaboration de la Charte démocratique a son origine dans le Sommet des Amériques tenu à Québec. Cette Charte constitue un guide de comportement. Elle incorpore notre vision, nos valeurs, nos besoins et nos aspirations, ainsi que notre volonté collective. Il a été créé à l’échelle mondiale une sensibilisation à la justice sociale, aux élections libres et justes; au respect de la séparation des pouvoirs; à l’autonomie de la justice et de la lutte contre l’impunité à la lutte impitoyable contre la corruption et à la recherche de la transparence. La défense et la liberté de la presse et d’expression ont acquis une nouvelle dimension, ainsi que la présence croissante de la société civile assortie de ses contributions et de ses critiques.

Jamais auparavant dans notre histoire, on n’a vu surgir avec tant de force des initiatives de lutte contre la discrimination, de défense des droits des plus faibles, des femmes, des autochtones, des migrants et des enfants. Le respect des droits de l’homme de chaque citoyen d’Amériques est une responsabilité qui relève de nous tous. Les déficiences de l’État, notamment en matière de fourniture de services publics, constituent des problèmes de démocratie. La Charte est un document agissant et indispensable.

Le Système interaméricain des droits de l’homme est de nos jours plus actif que jamais. Sans doute, nous disposons d’un plus large consensus entre les États membres, de meilleurs règlements, d’une plus grande recevabilité et d’une plus grande participation de la société civile. Aujourd’hui, nous sommes mieux préparés à examiner plus de cas, à faire plus de promotion et à renforcer les mécanismes d’enquête. Il est évident que les systèmes nationaux jouent un rôle de plus en plus important dans la tâche de protection.

La pratique croissante du recours à des solutions amiables acquiert également une importance particulière. Nous avons avancé sur la voie d’une autonomie financière, budgétaire et opérationnelle. La jurisprudence du système est devenue en général plus accessible. Les relations entre la CIDH et la Cour sont aujourd’hui fluides. Les Sommets ont lancé un appel à la ratification universelle de la Convention américaine et à l’acceptation de la compétence de la Cour.

J’estime que le système des droits de la personne est prêt à franchir une étape qualitative. Cependant, pour que cela se concrétise, il faut le doter de plus de ressources, résoudre la question de l’universalisation, fournir aux citoyens un plus large accès à celui-ci et déterminer si nos institutions chargées des droits de la personne peuvent agir sur une base plus permanente. Je souhaite que la Déclaration américaine des droits des peuples autochtones soit adoptée dans les plus brefs délais.

S’il est une conséquence à tirer du dialogue des Ministres du travail au cours de ces années, il s’agit bien d’une définition adéquate de la dimension sociale des processus d’intégration économique. Des efforts ont été déployés pour moderniser les ministères du travail en ce qui a trait au respect des droits fondamentaux des travailleurs, des tribunaux du travail, du dialogue social, de la concertation et de la négociation collective.

En relation avec les questions de sécurité continentale, nous avons adopté un concept de sécurité mettant un plus fort accent sur les risques de nature non militaire. Conjointement avec cette approche, dans le cas de la Caraïbe, il faut citer les phénomènes naturels et d’autres facteurs qui peuvent menacer la survie même des nations.

La création de la Commission sur la sécurité continentale en 1995, la Première Conférence régionale sur les mesures d’encouragement de la confiance et de la sécurité tenue au Chili et la Deuxième Conférence tenue à El Salvador, ont permis la création d’instruments et d’initiatives qui facilitent la prévisibilité et la transparence dans les actions des États, de leurs armées et de leurs forces militaires. Cette situation devrait déboucher sur la mise en route d’un processus de contrôle des armes et de désarmement.

C’est dans le cadre de ce processus qu’a été adoptée la Convention interaméricaine sur la transparence de l’acquisition des armes classiques et la Convention contre le trafic illicite d’armes à feu (CIFTA).


Les activités de déminage que nous avons menées en Amérique centrale et en Équateur font partie de ces efforts. Récemment, nous avons entamé ces travaux en Colombie. Au cours de ces deux dernières années, donnant suite aux mandats émanés de la Convention d’Ottawa, plus d’un million de mines ont été détruites.

L’adoption de la Stratégie anti-drogues dans le Continent américain par l’Assemblée générale a représenté une étape significative pour les efforts d’unité et de coopération. La CICAD a entrepris une évaluation intergouvernementale de nature multilatérale des politiques des pays en matière de lutte contre les drogues en vue de déterminer les progrès réalisés sur les plans individuel et collectif face à toutes les manifestations du problème des drogues.

Nos réunions de Lima en 1997 et de Mar del Plata en 1999 nous ont permis de disposer d’un cadre multilatéral pour avancer avec certitude et énergie après les terribles actes de terrorisme du 11 septembre 2001. Ces actes ont constitué des attaques sans précédents contre notre civilisation, nos valeurs, les droits de la personne, les libertés civiles et les principes de la tolérance et le pluralisme auxquels nous adhérons tous. Le CICTE et la Convention contre le terrorisme nous ont permis d’agir dans un esprit d’unité et de détermination.

La Conférence spéciale sur la sécurité tenue à Mexico a adopté l’approche multidimensionnelle approuvée à la Barbade, laquelle reconnaît que de nombreuses nouvelles menaces, préoccupations et autres défis qui se posent pour la sécurité continentale ont une portée transnationale et requièrent une coopération internationale. La Commission des questions juridiques et politiques a apporté une contribution substantielle à l’élaboration de cet agenda de sécurité.

Le Comité OEA-BID-CEPAL nous a permis de travailler à la création de la Zone de libre-échange des Amériques. Nous avons rempli un rôle technique et non politique.

Un langage commun a été créé; nous avons mis sur pied des bases de données, établi des comparaisons systématiques des questions à résoudre et des compilations statistiques et des normes ont été compilées. C’est ainsi qu’a été renforcé le Système d’information sur le commerce extérieur (SICE). On a pu mettre en route le processus de négociation politique sur la base d’information fiable, acceptée et vérifiée par tous. Les groupes de négociation ont bénéficié d’un appui, ainsi que les réunions ministérielles, les tribunes patronales et la communauté universitaire. De même, nous avons fourni un appui substantiel au groupe de petites économies.

Nous avons rempli un rôle pertinent dans les domaines de la création de capacités institutionnelles pour la négociation, tant dans le Continent américain que dans la Caraïbe.

Lors du processus d’élaboration de la Charte démocratique interaméricaine, nous avons pu établir que plusieurs des graves défis qui se posent pour la démocratie sont liés à des problèmes inhérents à nos systèmes politiques qui accusent des déficiences dans la mise en œuvre des fonctions sociales par l’État.

Mais, au-delà de ces vicissitudes qui relèvent dans une grande mesure de nos responsabilités, tout au long de la dernière décennie, nous avons dû affronter de nouveaux défis qui échappent en quelque sorte à notre contrôle. Je me réfère aux trois graves crises de volatilité de capitaux que nous avons vécu et qui se sont traduits par des taux extrêmement faibles de croissance, des reculs dans certains pays et qui ont exercé une énorme pression sur nos systèmes politiques.

Il n’existe pas de système politique qui ne subisse des incidences en raison des inégalités croissantes ou ne connaisse des revers dans la lutte contre la pauvreté.

La pauvreté, l’inégalité et l’exclusion sociale représentent donc les plus grandes menaces et posent les principaux défis pour la démocratie dans le Continent américain. Ces menaces ont fondamentalement leur origine dans la faiblesse de nos institutions étatiques et dans la mauvaise qualité de nos politiques.

Les initiatives que nous prenons dans le domaine de l’éducation s’avèrent très importantes. Durant cette décennie et à cette nouvelle phase, la principale fonction de l’OEA en matière d’éducation n’a été, ni ne doit être celle de financer de projets, mais bien de servir de forum aux ministres en vue de réunir des consensus au sujet des priorités éducatives dans le Continent américain. C’est pourquoi nous aspirons tous à la réalisation de trois objectifs: réduire la pauvreté; diminuer les inégalités et préparer les pays et leurs économies à faire face à la mondialisation.

Nous devons faire en sorte que les systèmes éducatifs ne maintiennent pas les inégalités, ni les accentuent. Des efforts sont déployés dans les domaines de l’évaluation, de la qualité, de l’équité, d’indicateurs, de connectivité, de gestion, de décentralisation, de compétences au travail, de nouvelles technologies, de coopération horizontale, d’éducation préscolaire et de formation des enseignants. Pour cette tâche, nous nous reposons sur notre Unité du développement social et de l’éducation.

Les Réunions des Ministres de la justice ont mis un accent particulier sur la coopération juridique et judiciaire dans le cadre de la lutte contre le crime transnational organisé, le terrorisme, le délit cybernétique, ainsi que les modes optionnels de règlement des différends et les politiques pénitentiaires et carcérales.

Nous accueillons avec satisfaction le fait que le Gouvernement de l’Équateur ait proposé comme thème central de cette Assemblée le développement social et la démocratie face aux incidences de la corruption. Ce fléau crée des distorsions dans l’allocation de ressources pour le développement. C’est à cause de la corruption qu’un fort volume de ressources affectées à des questions sociales n’a pas été utilisé aux fins prévues.

La Convention interaméricaine contre la corruption qui fait figure de pionnière et a été adopté à Caracas en 1996, a été la première dans ce domaine et a ouvert la voie à l’adoption d’autres instruments internationaux. Le Comité juridique interaméricain a développé dans un esprit de créativité des idées originales. Elle contribue à faire face à des problèmes de droit d’asile, de secret bancaire et d’extradition. Elle prévoit non seulement des sanctions, mais contient aussi des mesures préventives visant à éliminer les causes de la corruption et encourager la modernisation de l’État.

Grâce à la BID et aux ressources apportées par le Canada et les États-Unis, nous avons travaillé à la ratification et la mise en œuvre de cette Convention. A été aussi adopté un mécanisme de suivi du renforcement de sa mise en œuvre. La question de la transparence, la lutte contre la corruption et la responsabilisation sont des éléments fondamentaux dans l’édification de démocraties solides.


Suite à une initiative de la Bolivie, il a été tenu un Sommet sur le développement durable en 1996. À Santa Cruz, nous avons relevé la dimension régionale d’un grand nombre d’engagement émanés du Sommet de la Terre tenu à Rio de Janeiro et de la Réunion ministérielle de la Barbade sur les petits États insulaires. En matière de développement durable, des initiatives de coopération ont été prises dans les domaines de la création et du maintien de la gestion environnementale; de la création d’un réseau de droit environnemental; de bassins hydrographiques et de zones frontalières; de tourisme durable; d’énergie renouvelable; d’atténuation des catastrophes dans la Caraïbe ; de la gestion côtière intégrée et des changements climatiques. Dans quelques-uns de ces domaines, nous travaillons avec la Banque de développement des Caraïbes et l’Agence canadienne pour le développement international.

D’autre part, la participation de l’OEA et son rôle dans le processus des Sommets ont exercé une influence telle qu’aujourd’hui, l’Organisation est l’une des institutions les plus avancées en matière de participation de la société civile.

En matière de coopération pour le développement, nous avons déployé des efforts pour être en mesure de mettre en oeuvre le nouvel agenda émané des Sommets et d’aider à satisfaire les besoins des réunions ministérielles; nous avons inculqué une plus grande solidarité; nous avons essayé de concentrer les ressources de coopération à l’intention des pays qui en ont le plus besoin; nous avons développé plus de projets de nature régionale. L’Agence interaméricaine pour la coopération et le développement (AICD) a été mise sur pied.

Avec la collaboration des États-Unis, nous avons créé un Portail éducatif et la Fondation pour les Amériques. Nous avons ainsi facilité la participation du secteur privé à des projets à haute teneur sociale. Le Canada nous a fourni aussi un appui à cette étape en contribuant de fraîches ressources. Dans le passé, le Mexique, le Brésil, l’Argentine et le Chili ont également coopéré à l’aide de fonds.

Tout au long de la décennie, l’Organisation a mené ses opérations en fonction de strictes limitations financières et de ressources humaines. Nos avons réduit le personnel au siège de 22%.

Nous avons adopté des programmes de modernisation en vue d’augmenter notre efficacité et notre productivité. Nous avons mis en place un système de gestion financière des plus modernes. La politique du personnel offre de nos jours plus de souplesse et de compétitivité. Nous avons également effectué un réaménagement complet des principales installations de l’Organisation. Nous saisissons cette occasion pour remercier tous les fonctionnaires de l’Organisation de leur précieux concours. Sans leur engagement permanent, nous n’aurions jamais pu réaliser les objectifs que nous nous étions fixés.

Nous avons pu avec beaucoup de succès canaliser des ressources pour des programmes et projets dont le montant l’année dernière a excédé de 82 millions de dollars l’encours du Fonds ordinaire. Comparons ces chiffres à la somme de 14 millions de dollars que nous avions réunis en 1997. Les arriérés de paiement des quotes-parts ont été réduits de 57 à 10 millions de dollars, grâce à la collaboration du Brésil et des États-Unis. Nous avons ainsi amélioré les réserves et la liquidité de l’Organisation, mais les problèmes budgétaires ont persisté. Est encore à l’ordre du jour la question d’une modeste augmentation des quotes-parts, facteur essentiel à notre avis.

Nous sommes satisfaits d’avoir pris connaissance du rapport des vérificateurs externes qui ont émis des opinions sans équivoque en relation avec les états financiers de l’Organisation. Il est indispensable de remercier la Commission des questions administratives et budgétaires de son appui permanent, de son dévouement et de son professionnalisme. Nous adressons nos remerciements au Conseil permanent qui a toujours amélioré et enrichi nos initiatives et s’est situé au centre des transformations qu’a connues l’OEA.

Nous avons vécu cette décennie, animés d’un grand optimisme au sujet de cette étape des relations continentales. Cependant, en dépit des importantes avancées que nous avons réalisées, nous pouvons affirmer aujourd’hui sans crainte de nous tromper que, dans les Amériques, nous avons plus besoin de multilatéralisme que d’institutions pour agir.

Nous devons démontrer à nos citoyens que nous sommes capables de gouverner à l’heure de la mondialisation; que nous ne sommes pas impuissants face ses répercussions, ses problèmes et ses enjeux. Nous avons besoin d’un système plus solidaire et doté une plus grande composante humanitaire. Nous avons réalisé des progrès en matière de politiques et de sécurité, mais il n’en est pas de même dans le domaine social. Nous devons reconnaître que nous disposons d’un système interaméricain, à part la BID, extraordinairement réduit et chroniquement en mal de financement.

En achevant mon mandat de Secrétaire général de l’OEA, j’aimerais lancer un appel pour que nous focalisions notre énergie non pas en nous fixant sur le présent, mais en nous tournant vers l’avenir. Nous avons réussi à rendre l’Organisation plus pertinente et plus universelle dans la perspective de ses objectifs politiques. Sans doute, l’OEA est devenue une institution qui garantit l’équilibre dans les relations interaméricaines.

Il nous reste un long chemin à parcourir pour faire de cette Organisation une institution qui reflète les aspirations collectives de nos gouvernements et de nos peuples. Nous devons nous créer un climat de conservation de la nature, d’intégration, de paix, de démocratie, d’égalité, de justice et de liberté, en d’autres termes, un climat de solidarité, de croissance et de prospérité.

Merci beaucoup.