La CIDH appelle aux États à continuer d'adopter des mesures pour prévenir et éradiquer l'apatridie dans la région

27 septembre 2024

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Washington, D.C. – À l'occasion du 70e anniversaire de l'adoption de la Convention de 1954 relative au statut des apatrides, la Commission Interaméricaine des Droits de l'Homme (CIDH) réaffirme les normes interaméricaines établies dans sa Résolution n° 02/23 sur le droit à la nationalité, l'interdiction de la privation arbitraire de la nationalité et l'apatridie. En outre, la Commission salue les efforts déployés par les États de la région pour consolider les cadres nationaux de protection des apatrides et les invite à continuer d'adopter des mesures visant à prévenir, réduire et éradiquer l'apatridie.

Ces dernières années, la Commission a observé les actions mises en œuvre par les États dans ce domaine. Par le biais de la Résolution 10434 de 2023, émise par sa Chancellerie, la Colombie a adopté une procédure gratuite pour la reconnaissance du statut d'apatride. Cette procédure est étendue aux filles et fils des personnes demandeuses, applique une approche différenciée, permet l'exercice des droits et permet au demandeur d'opter pour la nationalité colombienne par adoption après un an de domiciliation dans le pays. Depuis 2019, la mesure « Primero la niñez » a permis de garantir la nationalité colombienne à plus de 112 000 enfants, nés sur le territoire colombien et qui, en raison des difficultés d'accès à la documentation du pays de naissance, auraient risqué d'être apatrides. Par ailleurs, l'arrêt T-232/24 de la Cour constitutionnelle a exhorté le Parlement de la République à adopter une législation sur la gestation pour autrui qui permette d'éviter le risque d'apatridie.

Le Panama a progressé dans l'identification des personnes exposées au risque d'apatridie dans le cadre du XIIe recensement national de la population et du VIIIe recensement du logement en 2023, réalisé par l'Institut national des statistiques et du recensement. La visibilité de cette situation est une étape essentielle qui permettra à l'État d'adopter des mesures de protection concrètes. De son côté, l'amendement de l'article 12 de la Constitution fédérale du Brésil limite le droit de renoncer à la nationalité lorsque cette renonciation engendre l'apatridie.

Les États-Unis ont publié les lignes directrices actualisées pour les non-citoyens apatrides aux États-Unis qui souhaitent obtenir des avantages en matière d'immigration. Ces lignes directrices contribueront à normaliser les procédures opérationnelles d'identification des cas potentiels d'apatridie et à préciser quand les États-Unis considéreront apatride à une personne non citoyenne aux fins de l'attribution des avantages en matière d'immigration. Parallèlement, la réforme de l'article 30 de la Constitution politique du Mexique élimine la restriction relative à la transmission de la nationalité des personnes mexicaines nées à l'étranger, ce qui peut s'avérer essentiel pour éviter les cas d'apatridie.

Malgré ces avancées importantes, la Commission reste consternée par les reculs et les défis qui restent à relever. En effet, la CIDH réitère sa préoccupation quant aux réformes de l'article 21 de la Constitution politique du Nicaragua, qui prévoit la perte de la nationalité pour les « traîtres à la patrie ». Son application a entraîné la privation arbitraire de la nationalité d'au moins 450 personnes identifiées comme des opposants politiques, en violation des normes interaméricaines.

À Cuba, en juillet 2024, l'Assemblée Nationale a approuvé la Loi sur la Citoyenneté. Cette loi permet de priver de la nationalité cubaine les personnes qui : i) réalisent des actes contraires aux intérêts politiques, économiques et sociaux depuis l'étranger, lorsque l'autorité de citoyenneté le considère ainsi ; et ii) causent un préjudice grave au pays lié à la sécurité nationale, mettent en danger la stabilité de l'État, les relations internationales ou la santé générale de la population, même sans respecter les exigences et les formalités de la procédure de déchéance de la nationalité.

En ce qui concerne les réglementations du Nicaragua et de Cuba, la Commission rappelle que la nationalité est un droit indérogeable et que sa privation arbitraire, en particulier à titre de peine ou de sanction pour des raisons politiques, est contraire au droit international des droits de l'homme.

En République dominicaine, la CIDH a observé les efforts déployés par l'État pour rétablir la nationalité d'au moins 26 000 personnes et pour accorder la naturalisation à 799 autres personnes affectées par l'arrêt TC/0168/13 de la Cour constitutionnelle, qui a entraîné la privation arbitraire de la nationalité dominicaine d'un nombre considérable de personnes et a laissé apatrides celles qui n'étaient pas considérées comme des nationaux d'un autre État. Malgré cela, dix ans après l'adoption de la loi 164-14, qui établit un régime spécial pour les personnes nées en République dominicaine et enregistrées irrégulièrement dans le registre civil dominicain, ainsi que pour la naturalisation, des difficultés persistent dans sa mise en œuvre effective ; et les personnes identifiées par l'État comme étant des bénéficiaires de cette loi demeurent sans réponse.

En Uruguay, les étrangers qui obtiennent la « citoyenneté légale » n'acquièrent pas la nationalité uruguayenne, et leur accès à certains droits est limité. En raison de cette différenciation, ils peuvent se heurter à des obstacles juridiques et pratiques pour prouver leur nationalité d'origine ou risquent l'apatridie parce qu'ils n'ont pas la possibilité d'opter pour la nationalité par le biais de la naturalisation. En outre, la Loi n° 19 682 « Reconnaissance et protection des apatrides » et la Loi n° 18 076 « Droit au refuge et sur les réfugiés. Loi sur les réfugiés » n'accordent qu'une citoyenneté légale, empêchant l'accès à la nationalité par naturalisation. La CIDH se félicite de l'ouverture de l'État à reconnaître le problème et à chercher des solutions pour se conformer à ses obligations internationales.

Elle note également que les lois contenant des dispositions discriminatoires à l'égard des femmes pour le transfert de la nationalité aux filles et aux fils à la Barbade et aux Bahamas restent en vigueur. Dans le cas des Bahamas, la réglementation persiste, malgré la décision du Comité Judiciaire du Conseil Privé qui permet aux enfants nés aux Bahamas d'acquérir la nationalité à la naissance lorsque l'un de leurs parents est un national bahamien, quel que soit leur statut matrimonial.

Enfin, elle prévient que les personnes se déplaçant de manière irrégulière seraient confrontées à des limitations dans l'enregistrement des enfants dans les États de transit et/ou de destination, ce qui pourrait entraîner des risques d'apatridie.

Par conséquent, 70 ans après l'adoption de la Convention relative au statut des apatrides, la Commission réaffirme les normes de la Résolution n° 02/23 et réitère huit recommandations visant à protéger globalement les apatrides et à continuer à renforcer les mesures de prévention, de réduction et d'éradication de l'apatridie :

  1. Enregistrer les enfants immédiatement après leur naissance et leur accorder une nationalité sur le territoire de l'Etat, si ces enfants seraient autrement apatrides, quel que soit le statut juridique ou migratoire de la mère et/ou du père.
  2. Développer des procédures administratives simplifiées, gratuites, abordables et non discriminatoires pour l'enregistrement tardif des naissances pour toutes les personnes.
  3. Promulguer des lois sur la nationalité qui garantissent aux femmes le droit de conférer leur nationalité à leurs filles et à leurs fils, sur un pied d'égalité avec les hommes.
  4. Ne pas priver de leur nationalité toute personne susceptible d'être apatride.
  5. Élaborer des politiques et des programmes permettant d'identifier les apatrides afin de concevoir des solutions efficaces.
  6. Adopter des procédures centralisées pour déterminer la condition d'apatridie en respectant les garanties d'une procédure régulière et en confiant le traitement et la résolution des dossiers à un organisme spécialisé.
  7. Faciliter les procédures et réduire les coûts des procédures de naturalisation des apatrides, dans le cadre d'une stratégie de solutions durables.
  8. Signer et ratifier les instruments internationaux de protection des apatrides, tels que la Convention de 1954 relative au statut des apatrides et la Convention de 1961 sur la réduction des cas d'apatridie.

La CIDH est un organe principal et autonome de l'Organisation des États Américains (OEA) dont le mandat émane de la Charte de l'OEA et de la Convention américaine relative aux droits de l'homme. La Commission interaméricaine a pour mandat de promouvoir le respect et la défense des droits de l'homme et de servir, dans ce domaine, d'organe consultatif de l'OEA. La CIDH est composée de sept membres indépendants, élus à titre personnel par l'Assemblée générale de l'OEA et qui ne représentent pas leurs pays d'origine ou de résidence.

No. 230/24

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