Annexe au communiqué de presse

Observations préliminaires de la CIDH sur sa visite en République Dominicaine

6 décembre 2013

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Santo Domingo – La Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) a effectué une visite in loco en République Dominicaine du 2 au 5 décembre 2013. Cette visite a eu pour objectif d’observer la situation concernant les droits à la nationalité, à l’identité, à l’égalité, à la non-discrimination, ainsi que d’autres droits et problèmes connexes. La Commission a mené à bien cette visite afin de superviser l’exécution des engagements internationaux contractés librement par l’État de la République Dominicaine dans l’exercice de sa souveraineté.

La délégation était composée du Président, José de Jesús Orozco Henríquez; de la Première Vice-Présidente, Tracy Robinson; de la Seconde Vice-Présidente, Rosa María Ortiz, et de Dinah Shelton, Felipe González et Rose Marie Antoine, ainsi que du Secrétaire exécutif, Emilio Álvarez Icaza L.; de la Secrétaire exécutive adjointe, Elizabeth Abi-Mershed; du Rappporteur spécial pour la liberté d’expression, Catalina Botero, et de membres du personnel du Secrétariat exécutif. Pendant la visite, plusieurs délégations de la CIDH se sont rendues dans les provinces de Bahoruco, Dajabón, Jimaní, La Romana, San Pedro de Macorís, Santo Domingo et Valverde. La CIDH a tenu des réunions avec des autorités de l’État, des organisations de la société civile, des victimes de violations des droits de la personne et des représentants d’agences internationales. Elle a reçu des témoignages, des plaintes et des communications de la part de 3 994 personnes.

Lors de sa visite, la CIDH a eu des entretiens avec le Président de République Dominicaine, Danilo Medina Sánchez; le Ministre de la Présidence, Gustavo Adolfo Montalvo Franco; le Ministre intérimaire des relations extérieures, José Manuel Trullols; le Conseiller juridique du pouvoir exécutif, César Pina Toribio; le Vice-Ministre de la Présidence, Henry Molina Peña; le Ministre de l’éducation, Carlos Amarante Baret; le Ministre de la santé publique et de l’action sociale, Lorenzo Wilfredo Hidalgo Núñez; la Ministre du travail, Rosa Maritza Hernández; le Ministre de l’intérieur et de la police, José Ramón Fadul; le Procureur général de la République, Francisco Domínguez Brito, qui était accompagé des procureurs spécialisés dans les droits de la personne, des enfants et des adolescents et la violence intrafamiliale et sexiste; le Directeur général de la migration, José Ricardo Taveras Blanco; le Sous-Directeur général de la migration, Santo Miguel Román; et le Représentant de la République Dominicaine près l’OEA, l’Ambassadeur Pedro Vergés. La Commission a également tenu des réunions avec les commissions des droits de la personne, des relations internationales et du développement humain de la Chambre des députés; avec des fonctionnaires du Conseil central électoral; avec les Services spécialisés de la sécurité le long des frontières terrestres (CESFRONT) à Jimaní et à Dajabón et avec des membres du personnel du centre de détention des migrants de Haina.

La CIDH a eu des entretiens avec des représentants d’organisations de la société civile, notamment: Dominicains de droit, Participation citoyenne, Centre de formation et d’action sociale et agraire (CEFASA), Solidarité frontalière, Commission nationale des droits de l’homme (CNDH), Centre Bonó, Mouvement socio-culturel pour les travailleurs haïtiens (MOSCHTA), Observatoire des migrants de la Caraïbe (OBMICA), Association afrodominicaine, Diversité dominicaine, Fondation FUNCESI, Reconnu, Arbre merveilleux, Groupe Saragua, GIZ (coopération allemande), Centre culturel Dominico Haïtien (CCDH), Conseil national d’unité syndicale (CNUS), Afro Alliance Dominicaine, Conamuca, Les Ailes de l’égalité, Je suis Dominicain comme toi, Coordination paysanne, Réseau Afro, la Coalition des ONG pour l’enfance et Open Society Justice Initiative. Y ont aussi participé des organisations qui se consacrent exclusivement à des questions de parité des sexes comme le Mouvement des femmes Dominico-Haïtiennes
(MUDHA), Collectif de femmes et santé, Forum féministe et Pôle d’appui à la femme. Des réunions ont également eu lieu avec des organisations de la société civile et des victimes de violations des droits de la personne à Dajabón, San Pedro de Macorís, à la Romana et à Jimaní.

La CIDH a aussi tenu des réunions avec des organisations internationales, auxquelles ont assisté le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR), ONU Femmes, ONUSIDA, la Banque mondiale, l’Organisation internationale du travail (OIT), l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et l’Organisation panaméricaine de la santé (OPS). Sont également venues s’y ajouter des réunions avec plusieurs journalistes, juristes, universitaires et victimes de violations des droits de la personne.

La République Dominicaine fait partie du Système interaméricain des droits de la personne en vertu de décisions souveraines prises par l’État depuis 1948, année pendant laquelle celui-ci a adopté la Déclaration américaine des droits et devoirs de l’homme. En 1959, la République Dominicaine a participé à la création de la Commission interaméricaine des droits de l’homme, et a ratifié la Convention américaine relatives aux droits de l’homme le 19 avril 1978. La Commission interaméricaine a effetué sept visites in loco en République Dominicaine: en 1961, 1963, 1965, 1965 à 1966, 1991, 1997 et 2013. De même, elle a donné suite à des pétitions et des demandes de mesures conservatoires présentées par la République Dominicaine. La Cour interaméricaine des droits de l’homme (Cour IDH) a rendu des décisions dans l’affaire Nadege Dorzema et consorts (Massacre de Guayubín) et l’affaire Dilcia Yean et Violeta Bosico. La Commission a aussi saisi la Cour au sujet de l’affaire Benito Tide Méndez et consorts, qui est en attente de jugement.

La Commission remercie l’État de la République Dominicaine pour son invitation à effectuer la visite, laquelle a été adressée après que la CIDH a exprimé qu’elle souhaitait la réaliser. La CIDH remercie aussi le Président Danilo Medina et son Gouvernement pour toutes les facilités qui lui ont été accordées à cette fin. De même, elle remercie le Gouvernement et le peuple dominicains pour l’hospitalité qu’ils ont offerte à la délégation. En particulier, elle salue et apprécie l’appui des autorités du gouvernement et des organisations de la société civile, qui ont apporté leur aide et collaboration précieuses à la coordination et à la mise en oeuvre de la logistique de cette visite. La Commission remercie l’équipe de sécurité fournie par l’État pour sa collaboration efficace et professionnelle, qui a permis le déroulement normal des activités de réception d’informations, de témoignages et de plaintes dans divers endroits du pays, y compris le Club des professeurs de l’Université autonome de Santo Domingo. La Commission remercie également de leur collaboration courageuse et désintéressée les volontaires qui ont assisté les personnes qui se rendaient dans les bureaux où étaient reçues l’information et les plaintes. La Commission interaméricaine remercie les personnes qui ont présenté leurs témoignages et ont déposé des plaintes, qui en grand nombre sont venues de régions éloignées et ont dû attendre plusieurs heures en raison du nombre élevé des personnes accueillies.

La Commission est consciente que la visite in loco se déroule dans le contexte d’un problème historique qui va au-delà de la conjoncture actuelle. Il s’agit d’un fait qui a des racines profondes et qui est d’une grande complexité.

La Commision fait ressortir le caractère solidaire et généreux du peuple de la République Dominicaine. Avant la dévastation, la désolation et la mort auxquelles a donné lieu le tremblement de terre qui a secoué Haïti en janvier 2010, le Gouvernement et le peuple dominicains ont réagi et continuent de réagir jusqu’à ce jour de manière solidaire et fraternelle. De même, les Haïtiens et Haïtiennes qui ont émigré en République Dominicaine ont contribué et contribuent encore d’une manière extraordinaire au développement économique de ce pays.

Moyennant cette visite, la CIDH a pu évaluer différents types de progrès dans le renforcement d’institutions démocratiques et la protection des droits de la personne. En particulier, elle apprécie et salue en tant qu’élément très positif l’incorporation directe dans le droit interne, ayant valeur constitutionnelle, du droit international des droits de la personne et de tous les engagements internationaux pris par l’État en la matière, dans le cadre de la réforme de la Constitution de 2010.

Par ailleurs, la Commission interaméricaine a reçu pendant sa visite une information préoccupante sur de graves atteintes au droit à la nationalité, à l’identité, à l’égalité devant la loi et à la non-discrimination. Les violations du droit à la nationalité, que la Commission avait observées lors de sa dernière visite in loco, qui a eu lieu en 1997, se poursuivent, et la situation s’est aggravée en raison de l’Arrêt 168/13 de la Cour constitutionnelle. Cet arrêt a eu pour conséquence qu’un nombre indéterminé mais très important de Dominicains et Dominicaines, estimé selon plusieurs sources à plus de 200 000 personnes, ont été arbitrairement privés de leur nationalité. Ces personnes se sont ainsi vu violer leur droit à la personnalité juridique, et elles vivent dans des conditions d’extrême vulnérabilité. Cette situation touche de manière disproportionnée les personnes d’ascendance haïtienne, ce qui constitue une violation du droit à l’égalité et à la non-discrimination.

Droit à la nationalité

Pendant sa visite, la CIDH a essentiellement fait porter son attention sur l’exercice et la jouisssance du droit à la nationalité en République Dominicaine. Des fonctionnaires du Gouvernement et des représentants de la société civile s’accordent à reconnaître que la jouissance de ce droit est un défi auquel il faut faire face du point de vue des droits de la personne.

Ce droit est garanti de manière fondamentale dans le droit international des droits de la personne afin de protéger les personnes face à d’éventuels arbitraires des États. L’article 20 de la Convention américaine relative aux droits de l’homme dispose que toute personne a droit à la nationalité, que toute personne a droit à la nationalité de l’État sur le territoire duquel elle est née si elle n’a pas droit à une autre nationalité et que personne ne se verra priver arbitrairement de sa nationalité ni du droit à en changer.

L’attribution de la qualité de ressortissant continue d’être, en règle générale, de la compétence interne des États; néanmoins, cette faculté est limitée par leur devoir d’apporter aux individus une protection égalitaire et efficace de la loi et non-discriminatoire, ainsi que par leur devoir de prévenir, d’éviter et de réduire l’apatridie.

Le 23 septembre 2013, la Cour constitutionnelle de la République Dominicaine a rendu l’Arrêt 168-13, aux termes duquel elle a donné une nouvelle interprétation de l’acquisition de la nationalité des personnes nées dans le pays de parents étrangers qui s’y trouvent en transit. Selon cette interprétation, des personnes qui précédemment étaient réputées avoir la nationalité dominicaine, ont été “dénationalisées”.

Concernant une affaire particulière, la Cour a déterminé que bien que la personne requérante soit née sur le territoire dominicain et ait été enregistrée par les autorités compétentes comme telle, du moment que la Constitution reconnaissait le ius soli (droit du sol) comme moyen d’acquérir la nationalité, la nouvelle interprétation de l’expression “étrangers en transit”, qui assimile ce concept avec celui d’étranger en situation irrégulière, la privait du droit à la nationalité dominicaine. En vertu de cette décision, la Cour a modifié de façon rétroactive l’interprétation donnée aux “étrangers en transit” dans les constitutions en vigueur entre 1929 et 2010, selon lesquelles cette catégorie était établie comme une limitation de l’acquisition du droit à la nationalité par le ius soli. La Cour a indiqué que l’expression “étrangers en transit” se rapporte aux personnes qui n’ont pas de domicile légal en République Dominicaine parce qu’elles n’ont pas de permis de résidence.

En vertu de ce qui précède, le Tribunal a ordonné à la Direction générale des migrations d’accorder un permis migratoire temporaire, en attendant que le Plan national de régularisation des étrangers en situation de migration irrégulière, conformément à l’article 151 de la Loi de 2004 relative aux migrations, détermine les conditions de régularisation de tels cas. Cette nouvelle interprétation de la Cour constitutionnelle prive rétroactivement de leur droit à la nationalié dominicaine des dizaines de milliers de personnes qui toute leur vie ont été considérées comme dominicaines, et dont un grand nombre ont été enregistrées par les autorités compétentes en qualité de ressortissants dominicains à la naissance et qui toute leur vie se sont vu attribuer d’autres documents d’identité, comme des cartes d’identité, des cartes d’électeur et des passeports.

La décision de la Cour constitutionnelle TC 0168/13 a ainsi “dénationalisé” un vaste groupe de personnes nées en République Dominicaine entre 1929 et 2010. Selon les estimations de plusieurs sources, y compris de sources gouvernementales, le nombre des personnes touchées par cette décision, bien qu’indéterminé, s’élèverait à 200 000 au moins.

Selon les résultats de la récente Enquête nationale des immigrants, conduite par l’État en 2012 avec l’appui du Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA), le nombre total des individus nés d’immigrants haïtiens a été estimé à 209 912. Cette population tout entière pourrait se voir touchée par la décision de la Cour. Cependant, ce chiffre ne comprend pas les générations précédentes de personnes d’origine haïtienne nées sur le territoire dominicain depuis 1929 et dont les propres parents sont nés en République Dominicaine.

De son côté, le Conseil central électoral a identifié 24 392 personnes nées en République Dominicaine de parents étrangers dont la naissance a été inscrite sur le registre d’état civil dominicain sur présentation de documents autres qu’une carte d’identité nationale dominicaine (c’est-à-dire, une "fiche", un passeport étranger, voire aucun document). Sur ce nombre de personnes, 13 672 sont d’origine haïtienne. Cependant, les personnes dont la naissance n’a pas été enregistrée ne sont pas comprises, pas plus que les deuxième et troisièmes générations, voire même les suivantes, d’origine haïtienne, dont la naissance a été enregistrée sur présentation d’un document d’identité dominicain en cours de validité. Ces personnes aussi se verront touchées par la décision de la Cour, puisque celle-ci aura un "effet de ricochet" et une incidence sur toutes les générations qui sont nées dans le pays.

“En ce moment je vis une mort civile; je marche dans la rue, mais je n’existe pas”, a déclaré l’une de ces personnes. Dans le Batey Libertad, dans la province de Valverde, la CIDH a reçu le témoignage d’une femme qui a présenté un extrait d’acte de naissance attestant qu’elle est née en 1981 à l’Hôpital de Mao, en République Dominicaine. Selon son témoignage, elle n’a pas été autorisée à déclarer la naissance d’un seul de ses six enfants: “Je suis allée à l’hôpital pour déclarer leur naissance, mais on m’a dit que si je n’ai pas de carte d’identité, je ne peux déclarer leur naissance. Je me rends alors au Conseil cental électoral pour demander cette carte et on me dit que je n’y ai pas droit parce que je suis étrangère. Je leur ai répondu ‘comment suis-je étrangère, si je suis née ici et ai toujours vécu ici”. Une autre femme qui a présenté son témoignage à Santo Domingo a indiqué que la naissance de sa fille en 2013 n’est pas déclarée: “on ne veut pas enregistrer la naissance de ma fille cadette; parce que, dit-on, sa grandmère est haïtienne. C’est comme si elle n’existait pas. C’est une apatride. Elle n’est ni d’ici ni de là”.

Cette situation concerne des membres de familles qui sont en République Dominicaine depuis plusieurs générations. La CIDH a reçu le témoignage d’une femme qui est arrivée d’Haïti dans le pays il y a 47 ans: “Le Gouvernement de la République Dominicaine m’a demandé de couper la canne à sucre, parce que la saison de la coupe était ouverte et on avait besoin de travailleurs. J’ai commencé à travailler et j’ai eu mon premier enfant qui est un garçon. Lorsque Johnny est né, le Gouvernement de la République Dominicaine m’a versé 20 pesos, parce que j’avais donné naissance à un garçon qui pouvait couper la canne”. Selon elle, elle a déclaré la naissance de ses six enfants, tous nés en République Dominicaine, sur présentation de la “fiche” que les autorités dominicaines lui ont délivrée en sa qualité d’étrangère munie d’un permis de travail. Cependant, au cours des dernières années le Conseil central électoral a refusé de lui expédier une carte d’identité ou de la lui renouveler, en faisant valoir que cette “fiche” n’est plus valide pour cette démarche et il a également refusé de lui donner une carte d’identité ou d’enregistrer la naissance de ses petits-enfants.

Privation arbitraire de la nationalité

La Commission estime que l’Arrêt de la Cour constitutionnelle entraîne une privation arbitraire de la nationalité. Cette décision a un effet discriminatoire, étant donné qu’elle touche principalement des persones dominicaines d’ascendance haïtienne, qui sont des personnes d’ascendance africaine; qu’elle les prive de la nationalité de façon rétroactive; et qu’elle rend apatrides les personnes qui ne sont considérées comme des ressortissants par aucun État, aux termes de sa législation.

Pour la Commission, il est pertinent de réaffirmer que la nationalité constitue le lien juridique qui existe entre une personne et un État déterminé, lequel assure à l’individu un minimum de protection dans l’ensemble de ses relations et duquel dépendent l’exercice des autres droits politiques et civils, ainsi que des droits économiques, sociaux et culturels. De plus, la reconnaissance internationale du droit à la nationalité de toutes les personnes impose aux États l’obligation de prévenir et d’éliminer l’apatridie. Dans cet ordre d’idées, compte tenu des obligations découlant du droit international des droits de la personne, les États doivent s’abstenir d’appliquer des politiques, des lois, des jugements ou des pratiques qui aient pour conséquence d’empêcher des personnes d’avoir accès à une quelconque nationalité, conformément à la décision rendue le 8 septembre 2005 par la Cour interaméricaine des droits de l’homme dans l’affaire des Fillettes Yean et Bosico. En vertu de cette décision, la Cour interaméricaine dispose aussi que devant le risque d’apatridie, la personne qui pourrait en pâtir n’a qu’à prouver qu’elle est née sur le territoire d’un l’État donné pour en obtenir la nationalité.

Nombre de personnes touchées par l’Arrêt 168/13 de la Cour constitutionnelle sont des personnes qui sont nées en République Dominicaine et qui précédemment ont été reconnues par l’État comme étant de nationalité dominicaine, au moyen de l’établissement par les institutions de l’État d’un document faisant foi. Ces personnes ont des liens étroits avec la République Dominicaine: elles ont payé des impôts et créer de la richesse, elles ont contribué à la sécurité sociale, elles ont été élevées et instruites dans le pays et elles y ont établi leur cellule familiale. Dans leurs témoignages devant la CIDH, elles ont déclaré avoir un profond sentiment d’identité dominicaine. Comme l’a dit un jeune à Santo Domingo: “je suis né sous le drapeau dominicain et je n’en connais aucun autre”.

Ces personnes sont lésées par les décisions arbitraires adoptées par le Conseil central électoral au cours des dernières années. La Commission a reçu une information selon laquelle de nombreux fonctionnaires de ce Conseil refusent de donner un document d’identité aux personnes nées en République Dominicaine. Dans certains cas, même après que les tribunaux ont ordonné d’établir ces documents, le Conseil central électoral a défié leur ordonnance. Certains employés de ce service privent les personnes de leur nationalité d’une façon arbitraire et discrétionnaire.

Le manque de reconnaissance de la personnalité juridique des personnes qui ne sont pas enregistrées ou ont du mal à obtenir une carte d’identité crée une situation d’extrême vulnérabilité qui donne lieu à des violations d’autres droits de la personne, formant ainsi un cercle vicieux qui ne peut être brisé que par la reconnaissance de leur nationalité.

Le refus du Conseil central électoral d’établir les documents d’identité fait obstacle à l’exercice du droit des personnes à la libre circulation dans le pays, puisqu’elles n’ont pas de preuve de leur nationalité dominicaine. Selon un témoignage reçu par la CIDH, un conducteur d’autobus dans les transports publics a demandé à une femme d’ascendance haïtienne les documents attestant sa nationalité dominicaine. Une autre femme a dit que par crainte d’être déportée en Haïti, “où je n’ai personne”, elle ne rend pas visite à ses petits-enfants qui vivent dans une ville située à moins d’une heure du lieu de sa résidence.

Le refus de documents à bon nombre de personnes nées en République Dominicaine est une pratique largement répandue ces dernières années, alors même que des déportations et expulsions arbitraires sont en train de se produire. En ont été victimes des personnes nées en République Dominicaine, dont l’État dominicain avait reconnu la nationalité dominicaine en leur délivrant des extraits d’actes de naissance et des cartes d’identité. La Commission interaméricaine salue comme une initiative positive l’ordre du Président de la République de suspendre les déportations. Néanmoins, elle a reçu une information sur place selon laquelle les déportations se poursuivent, bien qu’à un rythme plus lent que les années précédentes.

La Commission interaméricaine a aussi fait observer que la “dénationalisation” touche principalement des personnes d’ascendance haïtienne nées en République Dominicaine. L’Arrêt 168/13 de la Cour constitutionnelle a un effet disproportionné sur ces personnes, du fait qu’elles constituent la plus grande partie de la population migrante du pays. La Cour interaméricaine dispose qu’il existe un lien indissoluble entre l’obligation de respecter et de garantir les droits de la personne et le principe d’égalité devant la loi et de non-discrimination, et que toute l’action de l’État doit s’en trouver imprégner. À ce sujet, l’État ne peut agir contre un groupe déterminé de personnes pour des raisons fondées notamment sur la race, l’ethnicité ou l’origine nationale.

Multiples niveaux de discrimination

La Commission fait observer que la décision 168-13 ne touche pas seulement un nombre élevé de personnes nées en République Dominicaine, mais porte aussi atteinte de façon disproportionnée à des personnes déjà sujettes à de multiples formes de discrimination, en particulier fondées sur la race et la pauvreté. Sur ce point, dans son analyse de la situation en République Dominicaine d’avril de l’année en cours, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a mentionné trois aspects paticulièrement pertinents: la persistance du racisme sructurel et de la discrimination fondée sur la couleur et l’origine nationale; le lien entre la pauvreté et le racisme en général; et la ¨négation ferme¨ par l’État de l’existence d’une discrimination raciale, qui constitue un obstacle important à l’exécution de ses obligations internationales.

La CIDH a visité plusieurs bateyes dans divers endroits du pays et a constaté les conditions de pauvreté, d’exclusion et de discrimination dans lesquelles vivent leurs habitants. La pauvreté touche de façon disproportionnée les personnes d’ascendance haïtienne et cela est en rapport avec les obstacles auxquels elles se heurtent pour obtenir leurs documents d’identité.

La Commission a entendu de nombreux témoignages sur l’impossibilité d’obtenir un emploi faute de posséder une carte d’identité et sur les difficulés et les obstacles, souvent insurmontables, qui empêchent d’avoir accès aux services de base.

La CIDH a reçu de multiples témoignages de personnes qui ont été scolarisées jusqu’à la 8e année d’étude, mais n’ont pu poursuivre jusqu’au baccalauréat faute de carte d’identité. Une mère dont trois enfants sur quatre sont scolarisés a déclaré à la CIDH qu’on lui avait demandé de présenter les cartes d’identité de ses enfants: “le professeur m’a dit ‘je vais devoir renvoyer vos enfants jusqu’à ce que vous me présentiez leurs documents d’identité’ et je lui ai dit ‘oh, mon Dieu, patientez un peu parce que les documents sont en cours d’établissement et vont arriver’. Mais ce n’est pas certain, rien n’est en cours d’exécution, ils n’accepteront pas mes enfants, j’ai vu des personnes dans ma communité qui vont déclarer leurs enfants et ils ne sont pas acceptés, alors que faire?”.

La Commission a aussi reçu des témoignages de personnes qui, sans avoir de carte d’identité, ont pu passer le baccalauréat, bien qu’ensuite elles n’aient pu entrer à l’université. Une femme née en aôut 1994 à La Romana, en République Dominicaine, a raconté qu’elle a demandé sa carte d’identité il y a deux ans, et que depuis lors on lui répond que celle-ci est en cours d’établissement: “J’ai terminé mes études secondaires et n’ai pu entrer à l’université à cause de cela. J’aimerais devenir pédiatre ou enseignante; j’aime beaucoup les enfants. De fait, je travaille avec des enfants comme volontaire dans une institution. Je voudrais être un exemple pour mes frères, mais on me refuse ma carte d’identité et je ne peux poursuivre mes études. Parfois je me demande si ce n’est pas à cause de la couleur de ma peau? Parce que si c’est pour la nationalité, mes parents sont arrivés très jeunes et moi je suis née ici. J’ai toujours voulu étudier, c’est ma passion. Lorsqu’on m’a dit que j’ai eu de bonnes notes, j’ai pleuré, non de joie, mais de tristesse, parce que je ne peux aller à l’université. Il m’arrive de me réveiller à 4 heures du matin et je ne peux dormir. Là je pense à tout ce qui m’arrive et je me mets à pleurer et j’enrage à l’idée que si j’ai des enfants ils auront le même sort que moi et cela me mine. J’ai voulu être un exemple pour ma famille et je ne vois pas de solution”.

La Commission a reçu bon nombre de témoignages qui ont mis en évidence la persistance de la discrimination raciale non seulement dans la société en général, mais aussi dans l’accès aux services publics en particulier. Étant donné l’importance cruciale que revêt le principe d’égalité et de non-discrimination, la Commission souligne la nécessité pour le Gouvernement d’adopter des mesures qui en garantissent véritablement la jouissance, en particulier pour assurer que ses propres agents respectent l’obligation de rendre des comptes.

Accès à la justice

La protection judiciaire, accessible et efficace, est l’une des garanties des droits de la personne. Pendant sa visite, la Commission a recensé plusieurs préoccupations concernant l’accès à la justice en matière de droits à la nationalité, à l’identité, à l’égalité et à la non-discrimination, en particulier pour les personnes touchées par la décision 168-13.

La Commission s’est entretenue avec de nombreuses personnes qui ont affirmé que sans carte d’identité, elles n’étaient pas en mesure d’engager des poursuites judiciaires ou d’y donner suite. Une mère a fait savoir à la délégation que, du fait que ni elle ni son fils n’avait de document d’identité attestant qu’ils sont nés dans le pays, elle n’a pu introduire de requête contre le père de son enfant pour obtenir une pension alimentaire. Dans les plantations de canne à sucre, des membres des communités ont évoqué non seulement le problème se rapportant aux documents d’identité, mais aussi des questions d’accessibilité géographique ainsi que des coûts liés à la recherche de la justice. La Commission a reçu une information cohérente concernant la pratique du Conseil central électoral de confisquer les documents d’identité de Dominicains d’ascendance haïtienne ou perçus comme tels ou d’en suspendre indéfiniment la délivrance. Par ailleurs, la Commission a reçu une information sur plusieurs recours de protection qui ont été acceptés en faveur des requérants, par exemple qui étaient assortis d’un ordre de leur remettre leurs documents d’identité, mais cet ordre est resté lettre morte de la part du Conseil central électoral.

Intolérance et incitation à la violence

La publication de la décision 168/13 de la Cour constitutionnelle de la République Dominicaine du 23 septembre 2013 a suscité dans le pays des réactions favorables et des réactions défavorables. En particulier, elle a crée un climat hostile à l’encontre des personnes qui ont critiqué cette décision et ont défendu le droit à la nationalité dominicaine des personnes concernées. Selon une information reçue par la Commission interaméricaine, les propos adressés à des journalistes, intellectuels, avocats, hommes politiques, défenseurs des droits de la personne et personnages publics qui ont critiqué cette décision ont atteint des niveaux d’agressivité alarmants. Ces personnes ont été qualifiées de “traîtres à la patrie” et ont fait l’objet de graves menaces sur les réseaux sociaux, de commentaires dans les journaux en ligne et de consignes lors de protestations et de manifestations appelant à donner la “mort aux traîtres”. La Commission interaméricaine se déclare préoccupée par les menaces et propos calomnieux proférés à l’encontre des personnes qui ont exprimé des critiques sur la décision en question.

Par exemple, le 4 novembre, dans le cadre d’une manifestation convoquée par le Réseau national pour la défense de la souveraineté à l’appui de la décision de la Cour constitutionnelle, et à laquelle des fonctionnaires du gouvernement auraient assisté, des organisations de défense des droits de l’homme et des journalistes ont été accusés d’être des “traîtres à la patrie” pour avoir critiqué cette décision. Au cours de la manifestation, la consigne de “mort aux traîtres” a été proclamée et un pamphlet intitulé “l’Album de la trahison” a été distribué, dans lequel apparaissent des noms et des photos de journalistes, de défenseurs des droits de la personne et d’hommes politiques qui ont critiqué la décision. De même, les magistrats de la Cour constitutionnelle Isabel Bonilla Hernández et Katia Miguelina Jiménez Martínez, qui ont voté contre la décision, ont été accusées de “trahir l’oeuvre de Duarte”. Dans une autre manifestation qui a eu lieu le 13 novembre, un groupe d’organisations communautaires de la région de Santiago aurait accompli un geste symbolique consistant à brûler le livre de Mario Vargas Llosa “La Fête au bouc”, et auraient déclaré “persona non grata” son fils, Gonzalo Vargas Llosa, représentant du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (ACNUR) à Santo Domingo, ainsi que l’ex-consul haïtien Edwin Paraison et l’ ONG Réseau frontière Jano Siksé (RFJS).

La député Guadalupe Valdez, qui aurait critiqué la décision de la Cour, aurait été accusée de “trahison” et aurait été citée à comparaître devant le Conseil de discipline de la Chambre des députés pour avoir soit-disant participé à une manifestation de protestation contre la décision, dans le cadre d’une activité à laquelle participait le Président.

Les journalistes Luis Eduardo (Huchi) Lora et Juan Bolívar Díaz ont déposé une plainte devant le Bureau du Procureur du District national, dans laquelle ils ont demandé l’ouverture d’une enquête sur les auteurs des menaces dont ils ont été victimes en raison des critiques qu’ils ont exprimées au sujet de la décision de la Cour. Dans cette plainte, ils ont fait part de l’existence d’un nouveau pamphlet dans lequel ils apparaissent sous forme de caricatures diaboliques et sont qualifiés de traîtres. Selon eux, “la combinaison des consignes données lors de la manifestation publique et du contenu de l’“Album de la trahison”, ainsi que du pamphlet (…), constitue un nombre suffisant d’éléments qui permettent de déduire que l’objet du pamphlet est en rapport avec les consignes mentionnées qui identifient par leur prénom, nom et photo les prétendus “traîtres” auxquels il faut donner la mort”.

Dans ce contexte, d’autres affaires ont été rapportées selon lesquelles des défenseurs et des spécialistes des communications ont été stigmatisés et ont reçu des menaces. Parmi eux figurent notamment les journalistes Marino Zapete, Fausto Rosario Adames, Ramón Emilio Colombo et Javier Cabreja.

Le 4 novembre Ana María Belique, dirigeante et activiste du Mouvement Reconnu, aurait reçu par le Réseau social Twitter des menaces de la part de particuliers: “Nous allons devoir faire déménager la Belique dans le quartier où vit Sonia Pierre” (activiste et défenseur des droits de la personne qui est morte en 2011) et “nous sommes prêts à tout, s’ils veulent du sang, ils en auront”.

De même, la CIDH a reçu une information selon laquelle des défenseurs auraient été stigmatisés pour exercer leur profession. Ainsi par exemple, un défenseur a indiqué à la Commission: “Nous les défenseurs, nous sommes accusés d’être des traîtres, des éléments antipatriotiques, qui profitons des Haïtiens […] c’est un harcèlement continu”. Un autre défenseur a signalé à la CIDH que les personnes qui auraient saisi la Cour interaméricaine dans l’affaire Benito Tide et consorts contre la République Dominicaine, auraient été qualifiées de traîtres à la patrie.

L’avocat de Juliana Deguis Pierre, la personne à laquelle se rapporte l’arrêt de la Cour, aurait reçu des insultes et des menaces qui pourraient être en rapport avec ses activités en qualité de défenseur de Deguis. Selon l’information reçue, l’avocat aurait été victime d’insultes telles que “maudit nègre, va-t-en en Haïti”. Les agresseurs auraient menacé de lui “briser le crâne” pour être “défenseur de Haïtiens”. L’avocat a aussi constaté que son cabinet d’avocat est sous surveillance, raison pour laquelle il l’a fermé, et a dû prendre des mesures de sécurité.

De même, une campagne de dénigrement aurait été organisée contre les pays et organisations régionales et internationales qui auraient exprimé leur désaccord avec la décision de la Cour constitutionnelle. À ce sujet, de hauts fonctionnaires auraient émis des déclarations en s’interrogeant sur le rôle joué par des entités telles que le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (ACNUR) ou l’Organisation des États Américains (OEA).

En rapport avec ces événements, la Commission interaméricaine fait observer qu’en principe, toutes les formes de discours sont protégées par le droit à la liberté d’expression, indépendamment de leur contenu et du degré d’acceptation que leur réservent la société et l’état. Sous réserve de ce qui précède, il existe certains types de discours qui, en vertu d’interdictions expresses figurant dans le droit international des droits de la personne, ne tombent pas sous le coup de la loi sur la protection de la liberté, comme les expressions qui font l’“apologie de la haine nationale, raciale ou religieuse” et qui constituent une “incitation à la violence”, comprise comme la claire incitation à la perpétration de crimes, selon les termes du droit international des droits de la personne.

À la lumière de ce qui précède, la Commission interaméricaine fait observer que dans un contexte de forte polarisation sociale, l’album et la consigne de “mort aux traîtres” constitueraient un appel direct, sans euphémisme et d’une manière collective, en faveur de l’assassinat de personnes clairement identifiables et identifiées. À ce sujet, la Commission interaméricaine dispose maintenant que ce type d’expressions pourrait constituer une incitation à la violence, étant donné le contexte dans lequel elles ont été émises.

La Commission interaméricaine rappelle que la diversité, le pluralisme et le respect de la diffusion de toutes les idées et opinions, sont des conditions fondamentales de toutes les sociétés démocratiques. En conséquence, les autorités doivent contribuer résolument à la création d’un climat de tolérance et de respect dans lequel toutes les personnes puissent exprimer leurs pensées et opinions sans crainte d’être agressées, sanctionnées ou stigmatisées à cause de cela. De même, au cas où il existerait un risque particulier, les autorités ont le devoir de protéger les personnes qui sont exposées à ce risque et de prendre des mesures pour assurer notamment leur droit à la vie, à l’intégrité personnelle et à la liberté d’expression. Les fonctionnaires du gouvernement doivent eux aussi s’abstenir de parrainer d’une quelconque manière les discours qui donnent lieu à une discrimination culturelle, à l’intolérance, ou qui incitent à la violence. Il est indispensable que les autorités condamnent énergiquement les agressions et menaces contre des personnes qui contribuent au discours public en exprimant et diffusant leurs pensées et encouragent les autorités compétentes à intervenir avec la diligence et la rapidité voulues pour éclairer les faits et sanctionner les responsables.

Conclusions et recommandations

La Commission interaméricaine a effectué la visite qui se termine aujourd’hui afin d’analyser directement la situation des personnes touchées par l’Arrêt 168-13 à la lumière des normes du Système interaméricain des droits de la personne. Les entretiens qu’elle a tenus avec des représentants des différentes branches de l’État, membres de la société civile et bon nombre de personnes touchées par cette décision, ainsi que ses visites dans différentes régions visant à comprendre les multiples dimensions des atteintes aux droits de ces personnes, ont apporté d’importantes informations. La Commission analysera ces informations de façon détaillée au cours des prochains mois aux fins d’établir un rapport assorti de ses conclusions et recommandations.

La Commission fait part aujourd’hui de ses observations préliminaires sur la situation compte tenu des résultats de la visite qu’elle a effectuée, et exprime sa volonté de collaborer avec l’État à la recherche de solutions qui protègent les droits fondamentaux et soient conformes aux normes internationales en matière de droits de la personne.

Des autorités du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif ont fait savoir à la Commission interaméricaine qu’elles reconnaissent l’existence d’un problème concernant l’exercice du droit à la nationalité par des personnes d’ascendance haïtienne, et sont conscientes de la nécessité de trouver une solution. À ce sujet, et soucieuse de collaborer à la recherche d’une solution respectueuse des droits de la personne, la Commission souligne que les mesures qui seront adoptées pour relever les défis portant sur le droit à la nationalité qui ont été recensés, en particulier ceux dont témoigne l’Arrêt 168-13 de la Cour constitutionnelle, devraient avoir les caractéristiques suivantes:

1) Elles doivent garantir le droit à la nationalité des personnes qui avaient déjà ce droit sous le régime interne en vigueur entre 1929 et 2010.

2) Elles ne peuvent exiger que les personnes ayant droit à la nationalité, comme celles qui ont été “dénationalisées” en vertu de l’Arrêt 168-13, soient enregistrées en qualité d’étrangers comme condition de la reconnaissance de leurs droits.

3) Elles doivent être générales et automatiques pour garantir le droit à la nationalité des personnes lésées par l'arrêt 168-13. Ces mécanismes doivent être simples, claires, rapides et justes. Ils ne peuvent être discrétionnaires ni appliqués de façon discriminatoire.

4) Les mécanismes en question doivent être accessibles sur le plan économique.

Enfin, pour aboutir à un résultat efficace, il importerait de créer un espace de consultation et de participation de la société civile et des représentants des populations touchées par la décision.

En raison de la gravité des violations de droits qui sont la conséquence du manque de documents d’identité, la Commission souligne qu’il est indispensable d’adopter d’urgence des mesures qui garantissent la pleine jouissance des droits humains des personne qui ont été privées de nationalité, en attendant de remédier à cette situation par une solution à long terme. Ces mesures urgentes doivent garantir l’accès de toutes les personnes aux services de base, comme la santé et l’éducation et doivent éviter concrètement toute expulsion ou déportation.

Enfin, la Commission souligne que toute personne a droit à la protection et aux garanties judiciaires, de manière accessible et efficace, pour sauvegarder ses droits à la nationalité, à l’identité, à l’égalité, à la non-discrimination, qui constituent l’objet principal de la présente visite.

No. 97/13