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Communiqué de presse


COMMUNIQUE DE PRESSE
LA COMMISSION EXPRIME SA VIVE PRÉOCCUPATION CONCERNANT
L’APPLICATION DE L’ÉTAT DE DROIT EN HAÏTI

  31 mai 2002


1. La Commission Interaméricaine des Droits Humains (CIDH) a mis fin à sa visite dans la République de Haïti, visite effectuée sur invitation du Gouvernement de Haïti et dans le cadre de la Résolution 806 de l’OEA. La délégation était composée du responsable de la Commission, Monsieur Clare K. Roberts; du Secrétaire Exécutif, Monsieur Santiago A. Canton; du Rapporteur pour la Liberté d’Expression, Monsieur Eduardo Bertoni; de la Spécialiste Principale, Madame Christina Cerna; et de la Spécialiste des Affaires pour Haïti, Madame Raquel Poitevien.

2. La CIDH est un organe principal de l’Organisation des États Américains (OEA) qui a pour mandat de promouvoir l’application des droits humains à travers l’Hémisphère. La Commission remercie le Gouvernement de Haïti pour toutes les facilités accordées dans l’accomplissement de la présente visite et pour l’invitation de revenir visiter périodiquement le pays afin de faire le suivi. La présente visite de la CIDH s’est réalisée dans le cadre de la Résolution 806 de l’OEA du 15 janvier 2002 afin de restaurer un climat de confiance et de sécurité en vue de résoudre la crise politique en Haïti. La CIDH, dans le cadre de ses attributions, a reçu le mandat d’évaluer et d’informer sur les conditions actuelles des droits humains et des événements qui se sont déroulés le 17 décembre 2001. Ces activité se sont réalisées en étroite collaboration avec les autres entités de l’OEA et avec le Secrétaire-Général de l’OEA en Haïti, tout en respectant l’autonomie et l’indépendance des activités de la CIDH.

3. Au cours de sa visite, la délégation a rencontré les autorités du Gouvernement Haïtien, les représentants de l’opposition et de la Société Civile. La délégation s’est également entretenue avec le Président de la République, Monsieur Jean Bertrand Aristide; le Premier Ministre, Monsieur Yvon Neptune; le Ministre des Affaires Étrangères; le Ministre de la Justice et de la Sécurité Publique; le Ministre de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales; le Directeur Général de la Police Nationale de Haïti; l’Inspecteur Général de la Police Nationale; le Secrétaire d’État à la Sécurité Publique. La délégation s’est également réunie avec les représentants des différents secteurs de la société civile parmi lesquels les représentants des organisations non-gouvernementales, les représentants de différents partis politiques, les représentants des églises catholique et protestante; les représentants de la presse. Elle a aussi rencontré les représentants du Programme des Nations Unies en Haïti, les représentants de USAID et du bureau des Nations Unies pour le Développement. La délégation remercie également les opinions du Groupe des Amis de Haïti sur les conditions actuelles.

4. La Commission a pris note du contexte difficile dans lequel vit la société haïtienne qui se manifeste par la pauvreté extrême de la majorité de la population, les taux élevés d’analphabétisme, le taux élevé de mortalité materno-infantile et la malnutrition, entre autres aspects. Il est bon de signaler que toutes ces circonstances créent une situation de crise sociale et représentent en soi une série de violations des droits humains de la population. Dans ce contexte, le respect effectif des droits humains ne comporte seulement les droits civiques et politiques mais aussi les droits économiques, sociaux et culturels qui constituent un défi de grande envergure qui ne peut être relevé sans un engagement profond et un plan concret de développement du Gouvernement Haïtien avec la collaboration de divers secteurs de la société civile et de la communauté internationale.

5. La Commission exprime sa profonde préoccupation quant à la faiblesse de l’État de Droit et du processus démocratique principalement dans quelques domaines qui ont été évalués au cours de la présente visite. La Commission désire faire mention, en particulier, du manque d’indépendance du Pouvoir Judiciaire, de l’impunité, de l’état d’insécurité des citoyens, de l’existence de groupes armés agissant en toute impunité et des menaces faites à quelques journalistes. Tous ces aspects proviennent d’un manque de dialogue entre les principaux secteurs de la société et représentent une faiblesse évidente des piliers fondamentaux pour l’établissement d’un État de Droit dans un système démocratique selon les termes de la Convention Américaine et la Charte Démocratique Interaméricaine.

6. La Commission exprime l’importance et l’urgence, conformément aux obligations internationales prévues dans la Convention Américaine, d'accélérer le processus de changement de la situation grave que l’on retrouve dans le système judiciaire du principalement à son manque d’indépendance, dans l’impunité existante et des restrictions budgétaires et logistiques.

7. La Commission a pris connaissance des déclarations du Président Aristide concernant la politique de “Zéro Tolérance”. Il n’est pas de son ressort de faire des recomendations sur le type de politique criminelle que choisissent les gouvernements. Cependant, dans le cadre de ses compétences, elle désire rappeler qu’il est fondamental, dans l’application de la politique criminelle choisie, de respecter les droits individuels de toutes les personnes.

8. Ainsi, la Commission exprime qu’il est indispensable que le monopole de la force soit maintenue exclusivement pour la force de sécurité publique. Il est essentiel d’enquêter sur l’existence des groupes armés et de procéder à leur désarmement de la manière la plus complète et la plus rapide. La Commission reconnaît comme action positive les récentes déclarations du Président Aristide annonçant l’initiation d’un programme de désarmement au niveau national. La Commission suivra de près les progrès de ce programme qu’elle considère essentiel pour arriver à un meilleur respect des droits de la personne.

9. La Commission exprime vivement sa préoccupation sur le manque de progrès dans les investigations initiales relatives aux assassinats des journalistes Jean Dominique et Brignol Lindor. L’impunité dans les cas de ces journalistes assassinés contribue de façon significative à la perpétration d’actes de violence contre les journalistes. D’autre part, les informations recueillies indiquent qu’en dépit du fait qu’il soit possible en Haïti es possible de faire des critiques à l’encontre des autorités, que parfois ces critiques peuvent avoir pour conséquence des menaces qui mettent les journalistes dans une position vulnérable qui a pour effet de les empêcher de faire leur travail.

10. La CIDH réitère son offre de collaborer avec le Gouvernement, la société civile dans son ensemble, afin de contribuer au renforcement de la défense et de la protection des droits humains dans un contexte démocratique et de légalité institutionnelle. Elle espère revenir très bientôt pour faire le suive des recommandations et observations présentées dans ce communique.

Port-au-prince, le endredi 31 mai 2002

Référence : CIDH/26