Centre de médias

Communiqué de presse


LA CIDH EST PREOCCUPEE PAR LE MANQUE DE PROGRES EN MATIERE DE DROITS DE L’HOMME EN HAÏTI

  29 août 2002

Aujourd’hui, la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme (CIDH) de l’Organisation des États Américains (OEA), a mis fin à sa deuxième visite en Haïti au cours de l’année 2002. La délégation était composée par le membre de la CIDH, Rapporteur pour Haïti, Clare K. Roberts, le Rapporteur pour la Liberté d’Expression, Eduardo Bertoni, et de la Spécialiste des Droits Humains, responsable du dossier d’Haïti, Raquel Poitevien. La CIDH a visité Haïti du 26 au 29 août 2002, suite à l’invitation du Gouvernement du Président Jean-Bertrand Aristide, dans le cadre de la Résolution 806 adoptée par l’OEA en janvier 2002, dont le but est de restaurer un climat de confiance et de sécurité pour résoudre la crise politique en Haïti à travers divers mécanismes. Dans ce contexte, la CIDH a reçu pour mandat d‘évaluer la situation actuelle des droits de l’homme et les évènements survenus le 17 décembre 2001 dans le pays.

La délégation a procéde à des entrevues avec le Premier Ministre, Yvon Neptune; le Défenseur du Citoyen, Necker Dessables; le Ministre des Affaires Étrangères, Joseph Philippe Antonio; le Ministre des Affaires Sociales, de la Santé et de la Population, Henry Claude Voltaire; le Chef de Cabinet du Ministre de la Justice et de la Sécurité Publique, Caius Alphonse; les Juges d’Instruction Bernard Saint Vil et Fritzner Duclair; et le Directeur de la Police Nationale, Jean Nesly Lucien. La Délégation a également rencontré des représentants des différents secteurs de la société civile réunis en associations, fédérations et confédérations ainsi que des représentants d’organisations non gouvernementales de droits humains. La CIDH a aussi eu l’occasion de s’entretenir avec des représentants de plusieurs organismes internationaux intergouvernementaux qui travaillent en Haïti. Par ailleurs, elle a aussi rencontré des représentants des différentes églises, notamment les églises protestante et luthérienne.

Le but de la visite était de faire le suivi des observations préliminaires effectuées en mai 2002, et qui a permis de recueillir des informations pour élaborer un rapport sur la situation des droits de l’homme en Haití.

Au cours de cette visite qui s’achève aujourd’hui, la Commission désire préciser qu’ elle n’a constaté aucune amélioration en ce qui à trait aux problèmes posés lors de la visite précédente. La Commission manifeste de nouveau sa profonde préoccupation face à la fragilité de l’Etat de Droit en Haití, le manque d’indépendance du Pouvoir Judiciaire, l’impunité, l’état d’insécurité des citoyens, l’existence de groupes armés qui agissent en toute impunité et les menaces dont les journalistes sont l’objet. La Commission a été informée de l’attaque qui a eu lieu a la prison de Gonaïves le 2 août 2002, qui a eu comme résultat la fuite d’environ 159 prisonniers. La CIDH espère que le Gouvernement accomplira les enquêtes nécessaires pour tirer au clair les faits entourant cette fuite.

La CIDH constate que le manque de dialogue entre les principaux secteurs de la société est un obstacle sérieux pour trouver des solutions aux problèmes et représente la faiblesse des bases fondamentales pour l’établissement d‘un État de Droit selon les termes de la Convention Américaine et la Charte Démocratique interaméricaine. Lors de sa précédente visite, la CIDH avait insisté pour l’instauration d’un dialogue qui permette à tous les secteurs de la société haïtienne de participer à l‘élaboration d‘une politique intégrale des droits humains. Malheureusement, la Commission a constaté que cela n’a pas eu lieu. Une fois de plus, la CIDH réitère la nécessite d’instaurer un dialogue profond entre tous les secteurs de la société à fin de trouver des solutions aux problèmes actuels que connaît Haïti.

Comme elle l’avait déjà mentionné, la CIDH exprime sa préoccupation pour la situation difficile dans laquelle se trouve la société haïtienne, et qui se manifeste par l’extrême pauvreté que connaît la majorité de la population, par les taux élevés d’analphabétisme et de mortalité materno-infantile, et de malnutrition. Il convient de signaler que toutes ces conditions créent une situation de crise sociale et représentent en elles-mêmes une série de violations des droits humains. Dans ce contexte, le respect effectif des droits humains ne concerne pas uniquement les droits civils et politiques, mais aussi les droits économiques, sociaux et culturels, qui constituent un défi de grande envergure qui ne peut se résoudre sans une participation profonde et sans l’élaboration d’un plan concret de développement de la part du Gouvernement haïtien, avec la collaboration des différents secteurs de la société civile et de la communauté internationale.

La CIDH a également été informée que récemment la violence a considérablement augmenté à Cite Soleil, les dénonciations des cas de viols de petites filles, les assassinats et la détention illégale d’armes par des civiles, sont des faits préoccupants. La CIDH constate que les efforts de l’Etat dans sa campagne pour le désarmement national a eu peu de résultat. En ce sens, la CIDH rappelle qu’il est du devoir de l’État de combattre toute manifestation de forces de sécurité illégales ainsi que des structures de pouvoir parallèles et, doit avoir un plus grand contrôle sur la possession et l’usage d‘armes à feu. Il est indispensable que le monopole de la force soit exercé exclusivement par ceux qui en ont le mandat constitutionnel, et que les autorités responsables fassent diligence pour enquêter, juger et sanctionner ceux qui font partie de ces groupes.

Compte tenu de l’importance que la CIDH accorde à la liberté d‘expression, le Rapporteur Spécial pour la Liberté d’expression, M. Eduardo Bertoni a décidé de participé à cette mission. Il a eu l’occasion d’obtenir des données et des informations sur l’exercice de la liberté d’expression en Haïti que serviront à l’élaboration d’un rapport.

Le Bureau du Rapporteur exprime sa préoccupation face aux cas d’assassinats, de menaces et de harcèlements de journalistes, tous ces évènements dénotent une atmosphère qui va à l’encontre de l’exercice du droit à la liberté d ‘expression en Haïti. Le Bureau du Rapporteur a reçu des informations sur ces faits ainsi que sur l‘état des recherches pour déterminer les responsables des assassinats des journalistes Jean Dominique et Brignol Lindor.

La CIDH continuera à observer avec attention le développement de la situation des droits de l‘homme en Haití. La visite qui prend fin aujourd‘hui a été une occasion excellente pour atteindre ce but et pour approfondir le dialogue que la Commission maintient, dans le cadre de sa compétence, avec les autorités et la société haïtienne. La CIDH réitère sa prédisposition à collaborer avec le Gouvernement ainsi qu’avec la société dans son ensemble, afin de contribuer au renforcement de la défense et de la protection des droits de l’homme, dans un contexte démocratique et de légalité constitutionnelle.

La CIDH est l’un des principaux organes de l’Organisation des États Américains (OEA), dont le mandat est de promouvoir l’observance des droits humains dans l’hémisphère. Comme elle l‘a déjà mentionnée, les visites de la CIDH se réalisent dans le cadre de la Résolution 806 de l’OEA du 15 janvier 2002. La Commission remercie le Gouvernement haïtien et la Mission Spéciale de l’OEA en Haïti pour toutes les facilités procurées pour la réalisation de cette visite.


Port-au-Prince, Haïti, Le 29 août 2002

Référence : CIDH37/02F